Janvier et février ont été particulièrement prolifique en matière de bons films. S’il y en a un qui a créé une véritable surprise chez nous, c’est bien « Steve Jobs ». On s’attendait à voir du lourd, surtout quand on sait que le célèbre PDG d’Apple est incarné car un grand acteur du cinéma américain mais nous ne nous attendions néanmoins pas à ce que le dernier film de Danny Boyle surpasse autant nos attentes. « Steve Jobs » est un grand, très grand film et Michael Fassbender a de quoi faire trembler Hollywood à l’approche des Oscars ! C’est pour nous LE film de ce début d’année 2016 !!!
Avec un tel titre, impossible de ne pas comprendre que c’est la vie de Steve Jobs que vous allez suivre durant un peu plus de deux heures. Et plus particulièrement trois étapes de sa vie. Celles de 1984 (avec le lancement de son Macintosh), de 1988 (et la présentation de son ordinateur NeXT) et de 1998 (qui voit présentera le révolutionnaire I Mac). Le point commun de chacune elle ? La présentation des dernières créations du visionnaire américain et les aléas qui se sont produits avant chacune d’elle.
Derrière ce pitch un peu rigide se cache un excellent biopic, sans doute le meilleur depuis « The Imitation Game ». Amusant lorsque l’on sait qu’il y a une filiation entre Steve Jobs, qui a choisi le symbole de la pomme en mémoire de la fin tragique d’Alan Turing…
Danny Boyle, metteur en scène génial, tournait un peu en rond ces derniers temps et le voir réapparaître avec cette biographie avait de quoi laisser perplexe. Il y a plus 20 ans, on découvrait le travail du réalisateur britannique avec « Petit meurtres entre amis » avant qu’il ne crée la polémique avec son délicat « Trainspotting ». « La plage », « 28 jours plus tard », « Slumdog Millionnaire », c’était lui. Alors qu’on annonçait son grand retour avec « Trainspotting 2 » (en cours de réalisation), on apprenait la sortie de « Steve Jobs », en lice pour quelques récompenses du monde impitoyable du cinéma. Oubliez tous les préjugés que vous avez pu avoir sur ce film, toutes les critiques faites sur ses dernières réalisations, « Steve Jobs » est excellentissime à plus d’un titre et mérite vraiment le détour par votre salle ciné !
Avec sa réalisation impeccable, sa dynamique finement pensée, son dernier long métrage nous présente une histoire en trois temps, chacune ayant lieu quelques minutes avec les lancements médiatiques de quelques unes de ses créations. Là où Boyle a été malin, c’est qu’il nous présente les tensions, professionnelles ou familiales, qui auraient eu lieu en coulisses. Les règlements de compte, les caprices et les manques de délicatesse de Steve Jobs présentent un personnage rugueux, suffisant et extrêmement sûr de lui. Le mythe s’effondre, la caricature n’est pas flatteuse mais elle s’approche sans doute d’une réalité qui s’est vraiment déroulée.
L’atmosphère oppressante par moment, les dialogues, tout est impeccable ! Soigné, stylé, le film ne présente aucun défaut. On ne voit pas passer les 2 heures de spectacle et nous sommes vraiment aux premières loges d’une « pièce » en huis-clos, une des plus étonnante qui soit : celle de la vie de Steve Jobs et de ses collaborateurs… D’aucun présentait le film comme bavard… c’est vrai ! Mais pour nous, ce n’est pas un défaut mais une très belle qualité qui permet de cerner les enjeux, les états d’âme et la psychologie de chacun des personnages. Mais qui sont –ils ?
Il y a Steve Jobs, bien sûr, incarné par le génialissime Michael Fassbender ! L’espace d’un instant il EST l’inventeur américain. Il revêt son costume, son pull à col roulé noir, son jean et ses baskets avec l’aisance d’un caméléon. On oublie la performance de l’acteur tant la métamorphose est complète ! Bluffant, il mériterait grandement une récompense de taille pour ce rôle qu’il maîtrise à la perfection ! (Désolé Léo, même si on te souhaite de remporter l’Oscar, on ne serait pas fâché de la voir attribué à Michael, que du contraire…
Et en parlant de perfection, il nous faut évoquer Kate Winslet qui une fois de plus assure haut la main ! Collaboratrice de Steve, elle est son alter ego, son souffre douleur, son soutien, sa meilleure amie. Formidable dans ce rôle, l’actrice britannique, est nommée dans la catégorie « meilleur second rôle féminin » aux Oscars 2016 et décrochera peut-être cette belle récompense. On lui souhaite de tout cœur car la comédienne, au parcours impeccable, a de quoi faire pâlir ses camarades de scène.
Mais elle n’est pas la seule à performer dans ce film car toute l’équipe de comédiens se donne à fond pour faire vivre ceux qui ont côtoyé le célèbre visionnaire : Steve Wozniak (son associé joué par Seth Rogen), John Sculley (PDG d’Apple interprété par Jeff Daniels), Chrisann (son ex-petite amie portée à l’écran par Katherine Waterston), tous apportent leur pierre à cet édifice solide qui n’est pas prêt de s’écrouler ! « Victimes » des colères de Steve Jobs, tout ce petit monde aura bien du mal à être reconnu à sa juste valeur et se détournera peu à peu de celui qui préfère la solitude au travail d’équipe.
Que savons-nous de celui qui a révolutionné l’informatique ? Peu de choses finalement… Si sa mort (très médiatisée) a beaucoup fait parler de lui, le film de Danny Boyle rend hommage à tous ceux qui ont fait qu’il était Steve Jobs. De façon discrète, il réhabilite les créateurs, les ingénieurs, tous ceux qui ont contribué à donner ses lettres d’or à Apple et qui ont tenu la barre lorsque le bateau partait à la dérive à force de ne vouloir que la grandeur…
Dans le film, tout est brillant ! Même la bande originale qui marque par sa musique de fond omniprésente : la même que dans la bande annonce, celle qui donne une belle dynamique au film et nous raccroche à une continuité malgré le changement d’époque, de décors, de style.
Instructif et prenant, le film est dense et on ne lâche pas l’attention durant une seule seconde. Si l’on craint de ne pas suivre parce que nous sommes imperméables au monde de la technologie, détrompez-vous : la technique est relayée au deuxième voire troisième plan et même si elle est présente, elle ne gâche en rien le plaisir de découvrir qui était Steve Jobs. Un plaisir total, inconditionnel, celui qui fait de ce moment de ciné l’un de meilleur qui soit et un qui marquera à coup sûr l’année 2016 d’une pierre blanche !