Je n'ai jamais été un grand amateur de Biopic. C'est un genre dont les intentions sont très difficile de cerner, mêlant fiction et réalité, souvent pour mettre en lumière des personnalités inconnues à tort ou à raison ou pour rendre hommage à une célébrité qu'un public souhaiterait connaître plus intimement. En l'occurence, Steve Jobs est mondialement connu pour l'Empire informatique qu'il a construit. Un premier biopic lui fût déjà consacré (que je n'ai pas vu), et voici donc le second, réalisé par l'un de mes cinéastes préférés : Danny Boyle. En entrant dans la salle obscure, j'étais inquiet. Quel traitement va-t-on réserver à cet homme qui, vraisemblablement, n'était pas tout à fait un humaniste, bien qu'il put être visionnaire. A ma grande surprise, le film a dépassé le genre dont il se revendiquait pour peindre un être qui aurait pu s'appeler d'un autre nom. Le travail d'écriture d'Aaron Sorkin, considéré à raison comme l'un des meilleurs scénaristes d'Hollywood, notamment depuis qu'il fût sacré d'un oscar - mérité - pour The Social Network en 2011, est exemplaire, surtout de nos jours. Bien que le film soit trop bavard et bruyant (ça s'engueule à tour de bras là-dedans), que l'on ne comprend pas toujours tout au jargon informatique utilisé, c'est le tableau général que l'on retient, mettant en scène un homme complètement mégalo, antipathique au possible, intriguant et égoïste. Le découpage du film est intelligent et suffisamment original pour que l'on puisse suivre l'évolution de ce personnage complexe. Très rapidement, on comprend que l'adoption dont il a fait l'objet enfant est à l'origine de ses principaux défauts, qu'il connait et assume parfaitement d'ailleurs. Il ne supporte pas de ne pas avoir le contrôle et veut être à tout prix maître de ses choix, alors même qu'il n'a pu choisir sa famille, ni de ne pas être rejeté par ses parents biologiques à la naissance. Malgré le mal qu'il en tire, il n'hésite pourtant pas à reproduire cette souffrance chez sa fille, avant de la reconnaître, puis finalement, de l'aimer profondément. Elle est alors la seule personne à savoir l'atteindre véritablement au coeur pour lui rendre son humanité. Si Joanna Hoffman, interprétée brillamment par Kate Winslet, y parvient de temps à autre, elle n'a pas le pouvoir de changer l'homme définitivement. Sa fille, si. Autrement, la résolution du film m'a paru un tantinet gentille. Jobs fait la paix avec lui-même et son histoire à travers l'amour qu'il ressent pour sa fille et que ses propres parents lui ont refusé consciemment étant petit. On se dit alors que tout ira bien désormais, et que tout le chemin parcouru, de trahisons en déshonneurs, s'est effacé sous cette nouvelle sérénité de l'esprit, sous les lumières de la scène, sur laquelle Jobs s'apprête à présenter au monde le futur de l'informatique, sa révolution personnelle... Un peu trop de bons sentiments pour ce final, mais autrement, tout est très bien amené et termine de me convaincre de la qualité de l'oeuvre vue. Nul besoin de revenir sur la qualité des prestations des principaux acteurs, tous extrêmement justes dans leurs jeux, avec une mention spéciale à Seth Rogen qui développe de film en film les dimensions de son talent, et incarne ici un homme doux et doué, que l'on ne voit toutefois pas assez à mon sens.