On n’arrête plus les adaptations du célèbre personnage en bois de Carlo Collodi. Et si c’est la catastrophe dans les relectures de Disney, ce conte est toujours mieux servi du côté italien (Matteo Garrone), à l’exception de la vision moderne de Spielberg (A.I. Intelligence artificielle). Guillermo Del Toro (L’Echine du diable, Hellboy, Le Labyrinthe de Pan, Pacific Rim, La Forme de l’Eau, Nitghtmare Alley) signe alors son « Pinocchio » avec beaucoup de personnalités. En coréalisation avec Mark Gustafson, notamment à la direction de l’animation sur « Fantastic Mr. Fox » de Wes Anderson, il s’est lancé dans un projet ambitieux, annoncé depuis 2008, mais loin d’être anecdotique. Il s’agit d’une histoire d’amour entre le créateur et sa créature, qui dégage tout son potentiel émotionnel et nostalgique dans son étude du deuil, de la guerre, le fascisme et de l’enfance, comme la fin de l’innocence. Le portrait du véritable petit garçon se trouve alors bonifié par une animation taillée pour le voyage initiatique et par une partition élégante d’Alexandre Desplat. En cette fin d’année, le cinéaste, et auteur, s’affirme comme l’un des plus consistants de son époque, qui saura autant rassembler les enfants et les cheveux gris devant l’écran.
Si vous croyez tout savoir, c'est donc que vous avez tout à apprendre. Le metteur en scène mexicain revisite habilement des pages d'un conte, qui n'a pas toujours réussi à évoluer avec le temps. La version Disney de 1990 semble avoir réussi à s'imposer comme étalon, mais il parvient justement à en faire le commentaire et utiliser cette impulsion de construction pour alimenter son récit, implanté dans l'Italie fasciste de Benito Mussolini, dans les années 30. Sa manière de réinventer l'histoire ne date pas d'hier et c'est justement en gardant un pied dans la réalité historique qu'il marie fièrement la comédie à la tragédie. Sur ce point, ce bon vieux Sebastian J. Cricket nous régale à chacune de ses apparitions. Il est à la fois le conteur et le cœur du Pinocchio qui évolue entre apprentissage et désillusion. D'autres faire-valoirs comiques se joindront à l'aventure, en notant que tout n'est pas aussi manichéen qu'il puisse paraître.
Le fond du décor, c'est bien entendu cette relation père-fils, embrasée par la guerre et une seconde chance inattendue. Geppetto se garde bien de composer avec la naïveté du personnage original, acceptant sans craintes l'apparition de cet enfant de substitution. Son développement est plus malin et Del Toro cherche sans cesse à nourrir ce hors-champ que l'on se refusait dans les précédentes adaptations, trop calquées sur le support papier ou iconographique de la forme aux grandes oreilles. Il lance des personnages d'une grande sensibilité, dans un univers fait de stop-motion et d'images de synthèse, et les nombreux détours avec le matériel d'origine, nous ferons autant réagir que rêver. L'animation ne gâche en rien l'expérience immersive, où la folie des grandeurs se lit dans chaque scène de fuite ou de confrontation. Dommage que tout le monde ne puisse pas profiter du grand écran pour le découvrir, aussi puissant et poignant que ce film est.
Il a été le grand absent du Festival Lumière, pourtant Guillermo Del Toro's Pinocchio, nous laisse néanmoins un magnifique souvenir, d'une grande honnêteté et d'une grande sincérité, en utilisant le cinéma d'animation comme une ressource infinie de frayeur et de réflexion. Soutenu par la Jim Henson Compagny et Netflix, il est parvenu à rendre exceptionnel un conte que l'on croyait connaître sous tous ses travers ou sa nonchalance. Ici, il n'en est rien, l'auteur signe de sa main, à même le bois de son personnage, cette magnifique représente de l'innocence et de la bienveillance de ceux qui sont prêts à tout abandonner en échange d'un temps précieux. C'est de ce côté-là là que le cinéaste nous surprendra toujours et il en remet une couche, en faisant parler ses 14 années de gestation pour un projet qui a la corde sensible et une identité personnelle.