John Suits est une personne vraiment intéressante : après avoir carrément loupé son arrivée dans le 7ème art en écrivant et réalisant le calamiteux "Breathing Room", il se rattrapa grandement en écrivant le scénario du bon "Extracted" puis en produisant le tout aussi bon "Cheap Thrills". Pour son retour derrière la caméra, j’étais impatient de voir s’il avait enfin tiré leçon de son affreux premier film. "The Scribbler" est l’adaptation cinéma du graphic novel éponyme de Daniel Schaffer qui n’est pas très connu, surtout sous nos latitudes ; et nous conte l’histoire de Suki, une jeune femme souffrant du trouble de personnalités multiples qui, après avoir fait un séjour à l’hôpital psychiatrique, est transférée dans une maison de transition afin de surveiller son rétablissement et vérifier sa possible réhabilitation. Au sein de nouveau logement, elle va devoir cohabiter avec un groupe d’autres filles associables et suivre un tout nouveau traitement qui pourra l’aider à faire face à sa maladie…Ce qui est assez intéressant avec "The Scribbler", c’est que dès le départ du film, on voit l’héroïne se faire interroger par la police suite aux suicides de plusieurs habitantes de l’immeuble et qu’elle part dans un long flashback : Suits en profite cash pour nous imposer un univers assez sombre dans lequel va se développer un récit de polar glauque. On se laisse alors happer par cette histoire plus qu’étrange, voire carrément malsaine ; puis le film va très subtilement passer du thriller abordant les troubles de la personnalité au récit fantastique assez typique des comic books qui se révèlera pour le spectateur tout aussi troublant que prenant. Finalement, le film est quasi autant schizophrène que sa propre héroïne. Si je trouve l’idée assez originale et intéressante, je ne peux m’empêcher de penser que ce mélange très spécial doit beaucoup plus facilement passer en lisant le comic qu’en voyant le film (contrairement à ce que l’on peut croire, adapter un récit de comic sur grand écran est un travail très difficile et absolument casse-gueule, surtout en matière de cohérence et de crédibilité !). Cette impression est renforcée par la mise en scène qui présente un montage très dynamique (trop ?), avec une caméra parfois frénétique (limite hystérique ?) et une photographie extrêmement saturée, ce qui donne par moment au film un cachet de clip TV sous LSD…encore une fois, cela me plaît beaucoup mais demeure peu accessible au grand public. Au niveau du casting, je dois saluer la performance étonnante de Katie Cassidy qui a compris que son personnage portait tout le récit sur ses épaules. J’ai bien apprécié aussi la prestation d’Eliza Dushku en flic impartiale et de Garret Dillahunt en charmant voisin légèrement volage. Pour certains seconds rôles, nous avons la satisfaction de retrouver des actrices sympathiques tel que Gina Gershon, Sasha Grey et Michelle Trachtenberg… satisfaction qui sera néanmoins refroidie par le fait que ces dernières n’apparaissent pas longtemps à l’écran. "The Scribbler" est donc un film difficile à cerner vu que certains le considéreront comme une bonne surprise (et je fais partie de cette catégorie) et que d’autres n’y verront qu’un méli-mélo bordélique. Cette dualité prouve bien une chose : il est très difficile d’adapter un comic au cinéma (surtout avec un petit budget !). Cependant, pour celui qui arrive à rentrer dans le récit si particulier qu’il propose, il se retrouvera face à une petite péloche bien sympathique imprégnée d’une multitude de références ("L’Antre de la Folie", "Fight Club", "L’Armée des 12 Singes", "Memento", "Watchmen", "Identity", "The Machinist"…) et qui finit par devenir cohérent de façon paradoxale, nous amenant à le suivre jusqu’au bout. Laissez-vous tenter par un petit grain de folie !