Après le décès de son père Grégory Morel a repris sa charge d'huissier, plus par piété filiale que par vocation (il était thésard). Alors que son associé, Max Paturel (Fred Scotlande, jouant subtilement toute la palette des rancœurs nourries à l’endroit de ce fils-à-papa), l'initie aux aspects les moins reluisants de la fonction et aux petites astuces pour mieux coincer les débiteurs contre lesquels ils sont missionnés, il croise la route de Michel Delpech (le chanteur préféré de son père), retiré du show-biz depuis 30 ans et qui végète dans ce coin de France profonde, en accumulant les PV au volant de sa Spitfire de collection, avec comme seule activité celle d'un radioamateur assidu. L'huissier malgré lui commence par trouver le moyen de régler les amendes : le chanteur retraité sera l'"invité-surprise" d'un soir dans une discothèque au bord du dépôt de bilan (dossier dont s'occupe l'étude Morel-Paturel, ceci expliquant cela). Mais le passif de Michel Delpech va bien au-delà, et Max Paturel s'apprête sans état d'âme à lancer la saisie immobilière qui permettrait seule de désintéresser les nombreux créanciers. Grégory Morel s'improvise alors "tourneur" sur l'ensemble de l'Auvergne, exploitant son portefeuille d'entreprises en difficulté dans le domaine d'activité idoine (hôtels, restaurants et boîtes de nuit divers) puis en élargissant à une radio locale et aux salles polyvalentes, jouant sur le capital sympathie intact du "has been" pour le remettre à flots, de concert en gala. Ce petit film sans prétention et fauché frappe par l’originalité du propos et la pertinence de l’étude de mœurs faite « l’air de rien ». Delpech en pleine uchronie (aux dernières nouvelles, il n’est pas en effet déconnecté depuis quelques lustres du milieu du spectacle et habitant une modeste thébaïde du Centre de la France, avec comme seule compagnie les quelques poules s’ébattant autour, mais en famille dans une confortable demeure de la grande banlieue parisienne, et toujours en selle !) fait un « Delpech » décalé (et donc en autodérision) très convaincant (confirmant ses dispositions de comédien du dernier Honoré), mais il se fait voler la vedette par Grégory Montel (Me Morel) qui est tout bonnement excellent. Les autres interprètes (tout aussi inconnus) sont au diapason, et l’ensemble (sans oublier les figurants et seconds rôles qu’on imagine « castés » sur le vif, parmi les « vrais gens ») fait un film d’une grande humanité et d’une grande sincérité, aux antipodes de l’émotion préfabriquée que savent seulement faire de nombreuses productions « auteuristes », et aussi drôle que tendrement nostalgique. N’était l’abus de caméra à l’épaule, j’aurais bien poussé d’un demi-point supplémentaire. Grégory Magne/Stéphane Viard, un tandem talentueux et une première réalisation séduisante.