Ressortir de son trou après avoir assommé le grand monde des cinéphiles avec le splendide Animal Kingdom n’était pas chose aisée pour David Michôd, cinéaste australien parmi les plus prometteurs. S’il change radicalement de concept, bien loin d’une famille criminelle de Melbourne en des temps contemporain, le réalisateur ne se départit pourtant pas, loin de là, de son attachement à la noirceur de l’âme. Soyons clair, The Rover est un film profondément sombre et pessimiste, s’inscrivant aisément dans les pas des œuvres de John Hillcoat, La route, La proposition, et offrant une vision post-apocalyptique du continent austral qui n’est pas sans rappeler les inspirations de George Miller pour son univers dégradé sur les deux premiers opus de la franchise Mad Max. Terre de désarroi, qui ne semble pouvoir cicatrisé d’un crash boursier sans précédent, le chaos prend la pas sur la rationalité et les hommes errent comme des animaux dans un pays sans lendemain.
David Michôd ne prend pas la peine, elle aurait été futile, de revenir sur les évènements ayant contraint ce monde-là à vivre dans cette misère. Non, le cinéaste non propulse sans préambule dans les pas d’un homme mystérieux, très vite doué d’inhumanité et de violence, courant sans motifs apparents, après de mystérieux individus lui ayant subtilisé sa voiture. On ne sait trop pour quelle raison celui-ci tient tellement à récupérer son dû. Est-ce l’orgueil qui pousse celui-ci à vouloir absolument remettre de l’ordre, récupérer sa seule appartenance dans un monde dévasté? Ou peut-être celui-ci cache-t-il quelque chose d’autre? La psychologie du personnage, incarné avec brio par le trop mésestimé Guy Pearce est si particulière qu’il en devient, ayant contraint un Robert Pattinson excellent dans la peau d’un jeune gaillard n’ayant pas été gâté par la vie à le suivre, un animal, un monstre de sang-froid sans regrets ni états d’âme.
Monument d’individualisme au sens primaire, ce personnage mystérieux captive et étonne de par son obstination aveugle. Le cinéaste parvient à dresser un portrait limpide de ce gars-là et par la même occasion à faire de son film un long-métrage sans héros. Il s’agit là, somme toute, d’une errance suffoquantes et de rien d’autre ne pouvant s’apparenter à tous Road Trip selon la méthode hollywoodienne. On sait dès lors les auteurs australiens aussi cyniques et terre-à-terre que les grands noms du polar nordique, et c’est tant mieux. David Michôd délivre là tous ses démons en mettant en scène un film à la noirceur insondable et parvient pour autant à ne jamais décrédibilisé ses personnages, devenu avares, égoïstes et malsains. Le monde est en pleine mutation, étant devenu miséreux et violent. Mais seule intéresse le cinéaste la destinée d’une poignée d’individus résolu à parer à leur propre besoins et envies. Peu importe les conséquences.
Le tandem Guy Pearce et Robert Pattinson fonctionne très bien, malgré les errances soudaines du second, qui parfois, à vouloir trop bien faire, se fourvoie quelque peu dans des palabres ou des expressions inutiles. La froideur du premier est donc d’avantage captivante que les élucubrations du second, parfois incontrôlées. Notons qu’en dépit de sa manière de dépeindre un monde détruit par une crise financière et sociale majeure, le réalisateur s’essaie un peu maladroitement à intégrer le thème de l’immigration sur le continent en mettent en avant, à de nombreuses reprises, la culture asiatique semble-t-il envahissante. Alors que cette terre pousserait d’avantage à la fuite, le film démontre, aléatoirement, que les chinois afflueraient en masse dans un pays dévasté. Bref, The Rover est un excellent film post-apocalyptique, un polar noir violent et pleinement maîtrisé par son auteur. Si celui-ci ne rivalise pas avec le précédent Animal Kingdom, il confirme tout de même le talent indéniable de David Michôd. 16/20