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Les premières séquences forcent le respect tant en quelques instants David Michôd installe autant le questionnement, qu’une distribution subtile d’informations sur les personnages qu’on sera amené à suivre. L’indice de rythme est donné, ce sera lent, voire très lent. Cette nécessité surprenante au début, devient l’intérêt premier du film tant le metteur en scène pourra poser doucement sa mise en scène et mettre en valeur les dialogues, courts mais toujours juste du film.
En résulte, pour qui se laisserait inviter, un pouvoir attractif en ce anti-héros, qui veut à tout prix reprendre possession de sa voiture.
Bien sûr sans spoiler le film, David Michôd n’en restera pas là puisqu’il finira par donner un sens à ce road movie. Là où certains n’auraient fait que du pur esthétisme, le réalisateur ici tend à donner un sens à l’ensemble.
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Et que dire de Guy Pearce qui livre ici une de ses plus belles prestations, entre nombreux silences et phrases courtes, directes, aiguisées, rudes. Un personnage calqué sur l’univers dans lequel il évolue, une transformation humaine imposée par une crise qu’on pense planétaire. Le mystère sur le passé de cet homme n’est dévoilé qu’après une bonne heure de film, lui conférant alors une magie attractive, presque obsédante, profondément ancrée dans une ambiance dramatique totalement séductrice. Robert Pattison flirtant de plus en plus avec le cinéma d’auteur (Cosmopolis, Map to the stars) n’est pas en reste dans un rôle d’enfant dans un corps adulte, où la déficience mentale est plus suggérée qu’appuyée. Il ne tombe jamais dans l’exagération et composent un duo très convaincant, le rôle de père de substitution n’est d’ailleurs pas très loin.
A travers cette œuvre dramatique, où chacun doit trouver une place définit afin de survivre, David Michôd propose un récit profondément âpre et rude, de l’ordre de la suggestion. Comment trouver sa place, suivre un but dans cet espace désertique. Ce propos, fréquemment justifié par le hors champ, est l’âme même de sa réalisation, lent travelling et mouvements de caméras, les fusillades sont aussi filmées d’un seul point de vue. Le réalisateur australien réitère donc de manière plus amplifiée la grammaire cinématographique à laquelle il avait déjà donné corps dans Animal Kingdom.
The Rover par son emprise apathique et précise capte de manière formelle l’attention du spectateur, et ce, paradoxalement par sa lenteur. A ça, le metteur en scène, ajoute le talent de sa direction d’acteurs et la grande prestation de ses comédiens pour réaliser une version captivante et sensorielle de son film.
Si The Rover est un film esthétique (avec également une superbe photo de Natasha Braier), cruel et exacerbé il se veut également inspiré et extrêmement prenant. Un choc pendant et après projection.