De Matt Reeves, je n'avais vu que Let me in, son remake inutile et presque dégradant de l'excellent Morse, film de vampires suédois que je ne peux que vous conseiller. Si en soi, ce n'était pas un navet, cette première rencontre avec le bonhomme en disait déjà long sur son opportunisme. Puisque que manifestement, il n'a en effet pas beaucoup d'idées, le voilà qui se jette sur la suite du reboot plutôt réussi de 2011 qui abordait (enfin) Planet of the apes sous un angle réaliste. Si cette approche crédible permettait d'une part de s'immerger dans l'univers, elle permettait de plus de croire aux réflexions habituelles sur la différence communautaire et le soi qu'on peut tous reconnaître chez les autres, noyau de l'empathie et du vivre ensemble. C'est pourquoi je vais choisir de mettre l'accent sur un point qui vous semblera sans doute de détail, mais qui en plus de faire mal aux yeux au futur biologiste que je suis, est très symptomatique de la fourberie de ce deuxième volet, qui brandit cette bannière de divertissement moderne et intelligent pour cacher plus ou moins une vraie paresse d'écriture et une complaisance visuelle assez fatigante. Ce point de détail, tout simplement, c'est le comportement des singes et les anicroches à la logique biologique la plus élémentaire - peut-être pas criantes dans le feu de l'action mais bien réelles quand on s'y penche un minimum. Tout d'abord, leur langage, peut-être très élémentaire, est déjà bien trop élaboré pour un primate autre que l'humain. Il me semble que la substance utilisée pour les essais scientifiques dans Les origines n'avait pour effet qu'une augmentation de l'activité cérébrale, pas celle de la taille du pharynx. Dommage après un départ sans dialogue, où le film paraissait vraiment assumer ses partis pris et poser ses corones sur la table. Ensuite, la bipédie. Certes, les chimpanzés sont à même de se tenir en station bipède, mais immobiles. Tout déplacement sur deux pattes de leur part est lent, et très coûteux. Je ne vois pas en quoi la bipédie est liée à l'intelligence (c'est vrai quoi, les candidats de Secret Story se déplacent t-ils à quatre pattes ?) et cette incohérence, il était facile de la contourner. Encore et toujours cet anthropomorphisme, qui nous empêche de dépasser notre condition et d'explorer des voies de réflexion différentes. Bref, je passe rapidement sur les habitudes de cavalier de César, qui doivent quand même lui demander un sacré sens de l'équilibre étant donné le peu de prise que ses deux courtes jambes doivent lui offrir, pour parler des armes à feu. Ce genre de matériel, je le rappelle au cas où, est jusqu'à preuve du contraire adapté à la morphologie humaine, et même cet état de fait n'empêche pas la nécessité d'un entrainement rigoureux avant de le maîtriser efficacement. Les singes, pourtant, le manient avec l'efficacité de John Rambo à peine la première rafale tirée... bref, autant de parfaites preuves que Reeves ne s'embarrasse pas bien longtemps d'un vrai souci de crédibilité ou de travail en profondeur, et que tout ce qui l'intéresse, c'est du pur divertissement pour foules déjà formatées. Et c'est ce que l'intrigue matérialise très bien, dans ses métaphores paresseuses sur le racisme ou la nature humaine, truismes dégoulinant de paresse qui ne font que caresser dans le sens du poil le sens moral le plus élémentaire sans chercher à donner à celui-ci des bases un peu plus solidement fondées. Non, Dawn of the planet of the apes ne pense pas, il récite ses clichés manichéistes, d'autant plus agaçant qu'il essaye de les cacher de façon très maladroite. Par exemple, si le méchant est méchant, c'est à cause du très classique cas d'une haine développée suite à des violences subies. Ce parti pris, on dirait que les scénaristes s'en contentent largement, se disant que cela complexifie déjà bien assez le personnage et que désormais, ils peuvent s'en donner à cœur joie question actes méprisables et fourberies en tout genre, pour diriger droit sur le pauvre singe belliqueux les foudres d'un spectateur censé n'y voir que du feu. En plus, les humains existent à peine, autant parce qu'ils sont très mal joués (Kodi Smit-McPhee est tout particulièrement mauvais) que parce qu'ils ne sont qu'à peine archétypaux, si peu pourvus de vie et de consistance par l'écriture qu'ils en sont réduits à leur fonction, quand ils en ont une. Est-ce en hommage à nos cousins primates et leurs pattes préhensiles, bien connus pour savoir se servir de leurs quatre membres avec adresse, que les scénaristes ont tenté d'écrire Dawn of the planet of the apes avec les pieds ? Dans tout ça, seul le petit message politique surnage, par exemple en mettant en avant le récupération de l'image que peuvent faire certains régimes dictatoriaux. En tout cas, il reste au moins le principal, c'est à dire le spectacle visuel, dans l'ensemble correct. Si lors de la première scène, avec l'ours, j'ai été atterré par le rendu horrifiant des singes, presque sortis d'un mauvais jeu vidéo, leur modélisation s'améliore par la suite et on est au moins pas noyés dans la mélasse numérique. Voilà qui laisse à Andy Serkis une large place pour s'exprimer, place qu'il utilise très bien, épaulé par les autres interprètes des singes, dont la motion capture est bonne. Si je met une note aussi correcte, c'est également parce que l'ambiance mise en place est je trouve assez bien pensée, et que Matt Reeves sait au moins filmer plutôt correctement, voire même carrément bien dans certains passages. Pourtant, avec un scénario pareil, La Planète des singes : l'affrontement, rate complètement ce que le volet d'ouverture pouvait laisser présager, un divertissement de facture solide et pas plus bête qu'un autre. De toute façon, avec les blockbusters américains, je commence à en avoir l'habitude.