La surprise, on peut dire que cet opus a su la conserver (volontairement ou pas) puisque rien, des nombreux trailers à la traduction Française du titre en passant par l'affiche (plutôt très belle, au passage), rien dans la gigantesque promo à laquelle le film a eu droit n'en est représentatif. On s'attendait davantage à un blockbuster manichéen et plutôt facile, mais au moins bien burné. Et des couilles, le film en a, mais pas dans le sens où on l'entendait, justement parce que malgré ce qu'en disent les producteurs ce n'est absolument pas un film d'action. C'est un film sur le dialogue, et dans lequel le dialogue occupe une justement très grande place. Finalement moi qui m'attendait à un film pop-corn, j'ai mangé le mien en silence pendant tout le film histoire d'apprécier les dialogues et de ne pas emmerder le public, et il n'y avait plus de pop-corn pour la partie "pop-corn". Le film a aussi des couilles de présenter des dialogues à 50% du temps sous-titrés alors qu'il est un blockbuster. Les singes ayant encore des difficultés à aligner deux mots en Français (ou Anglais), ils ont la plupart du temps recourt au langage des signes, un élément du scénario qu'un producteur belliqueux aurait vite fait de bazarder, mais le réalisateur et les scénaristes semblent avoir tenu tête et pour ça, ils ont le droit à tout mon respect. Le tout couplé à des décors en très grande partie réelles et une qualité d'image et d'animation encore inégalée (je ne vais pas m'attarder dessus, tout le monde en dit déjà tout le bien du monde, mais le moindre reproche fait à l'animation du précédent n'est plus louable ici) fait que le réalisateur n'a aucun mal à crédibiliser son univers pourtant très couillu, ainsi les visuels de chimpanzés à dos de canasson ou de bonobos armés de fusils d'assaut ne feront même pas souffler du nez le plus décérébré des publics, tant le souffle épique de ces images écrase tout le reste. Le réalisateur de "Cloverfield" prouve une fois pour toutes aux détracteurs de son film qu'il sait se débrouiller avec une caméra, la photographie quasi documentaire donne un cachet très vrai à l'ensemble du film et son amour pour les plan-séquences vient illuminer les scènes d'action, dont un en particulier (concernant un tank) est juste à tomber par terre. Un autre, dans l'immeuble, m'a d'ailleurs énormément rappelé le climax de "Les fils de l'homme", une merveille de plans-séquences lui aussi. Ajoutez à cela que la bande originale verse dans autre chose que les sempiternels "tin tiiin" hollywoodiens du premier opus, lorgnant souvent du côté de la B.O. de "L'armée des douze singes" de Terry Gilliam, sans doute le meilleur choix. On regrettera seulement que la 3D soit toute plate, si vous avez l'occasion de vous en privez, faites-le. Enfin les images, le son, c'est bien joli, mais c'en serait oublier l'élément le plus important -et heureusement- du film, son scénario. Là où "La planète des singes, les origines" se concentrait sur sa puissance poétique et sur les bases qu'il avait à poser, abordant au passage l'arrogance des humains avec une certaine habileté certes, mais qui reste quand même le sujet standard d'une oeuvre de science-fiction, dans cette suite il n'est plus tant question de références aux anciens (même s'il emprunte beaucoup à "La bataille de la planète des singes") ni au fait de s'attirer un public perdu avec Burton. C'est véritablement ici que ce reboot trace sa propre route, et explore ses propres thèmes guerriers et pacifiques avec brio (la fascination pour les armes, l'équilibre de la terreur...l'éventail est large) avec une maturité de jugement et un souffle romanesque qui le hissent à un tout autre niveau (le scénario n'a qu'un trou que j'ai remarqué, sur lequel je ne m'étendrai pas). Les personnages sont agréablement intéressants et nuancés, en particulier César bien sûr, chez qui la performance d'Andy Serkis est encore une fois incroyable. Le personnage de Gary Oldman est aussi surprenant, parce que les trailers laissaient entendre qu'il serait le bad guy de l'histoire ce qui n'est pas du tout vrai, on ne le voit même quasiment jamais, il reste très intéressant et l'interprétation très convaincante. Il y a bien des personnages dont l'évolution est survolée, un peu facile ou clichée (en particulier chez les humains, d'ailleurs) mais l'on n'est jamais au stade de l'archétype du patron obsédé par le fric du premier opus. En ce sens, le premier opus avait tendance à en départager les humains en 10% de très gentils et 90% de très méchants, un piège dans lequel cet opus ne tombe pas.
Le putsch est orchestré par un singe, comme une bonne partie des événements lors desquels la tension se fait plus forte, et César en arrive à la même conclusion que dans "La bataille de la planète des singes": il reconnait sa naïveté d'avoir pensé que leur espèce pouvait être meilleure que l'autre. Une conclusion pessimiste, mais finalement pas autant que la véritable conclusion de ce film: une paix durable est une utopie, le refus de connaître l'autre se manifestera quoi qu'il arrive et débouchera toujours inéluctablement sur une guerre.
Un divertissement de qualité sous tous les angles, mais au sous-texte profondément noir, comme à la belle époque de...bah "La planète des singes" en fait.