" Les morts sont vivants " : tel est le postulat de départ de " Spectre ", nouvelle aventure de 007. En effet, les morts n'ont jamais été aussi présent que dans cette œuvre. Leurs noms sont souvent évoqués et ils n'ont jamais autant d'impact qu'après leurs disparitions. Les conséquences de leurs actions passées prennent alors toute leur amplitude. Plongée dans le passé, révélations, scènes spectaculaires, se succèdent. La séquence d'ouverture en plan-séquence à Rome est mise en scène avec maestria. Sam Mendes prouve une nouvelle fois après " Skyfall " qu'il est le meilleur cinéaste de la saga.
Mise en scène du terrorisme, " Spectre " questionne les méthodes à employer pour lutter contre celui-ci. Dans un monde régi par la technologie informatique, le personnage de James Bond se révèle à contre-courant. Il paraît daté, dépassé, la plupart des conflits se résolvant à distance par écran interposé (drones, piratage de données...). Le personnage de Blofeld, incarné par Christoph Waltz, se fait le reflet de cette technique de combat. Il tente de torturer Bond en usant d'un ordinateur, de miroirs, de sorte à ce que le combat ne s'effectue jamais au corps-à-corps, directement. Un outil intermédiaire est utilisé.
A l'opposé, Bond est un homme de terrain. Est-il encore utile d'envoyer des hommes expérimentés au sol ? Ce moyen d'approche est-il encore efficace face aux nouvelles techniques employées ? l'agent 007 répond par l'affirmatif. En ce sens, " Spectre " défend l'idée selon laquelle envoyer des agents sur le terrain est une des solutions envisageables afin de lutter contre le terrorisme. Vaincre son adversaire, c'est se confronter à lui directement. James Bond est un prototype de cette idéologie. Il rappelle que l'humanité a encore besoin d'hommes de terrain pour assurer sa défense.
Le film opère une boucle, donne une cohérence narrative à l'ensemble des 4 films réunissant Daniel Craig. La dimension psychologique du personnage principal est toujours présente en sous-texte. Pour Bond, se confronter à son ennemi (Blofeld), c'est se confronter à son passé, sa propre identité. De ce fait, il se trouve en proie au doute. La relation entre les deux hommes ajoute une ambiguïté supplémentaire. Ils partagent des points en communs, si bien que la frontière entre bien et mal se fait de plus en plus mince. Entre eux s'établit un effet de miroir, des parallèles, représentant tout deux une facette d'une même personnalité. Cette relation relève en partie de la psychanalyse freudienne (rapport à l'enfance, au passé comme moyen d'expliquer l'Homme au présent...).
Les éléments récurrents sont toujours là (femmes, véhicules...), la dimension baroque et tragique contenue dans " Skyfall " conservée (thématique de la mort), le rapport au passé de James Bond évoqué avec plus de clarté, le discours idéologique d'actualité...