Depuis l'ère Craig, la saga James Bond à connu un tournant majeur. Etant rebootée avec le très bon Casino Royale, elle avait pour but de revenir à l'essence du personnage pour une déconstruction intime du mythe, le moderniser et le réhabilité pleinement dans ce monde post-guerre froide. Pourtant même si elle gagnait en intensité et apparaissait à son meilleur, la franchise perdant aussi son identité d'antan pour se rapprocher des canons "bournien" étant plus américanisée que jamais. Un constat accentué avec l'inégal mais sympathique Quantum of Solace qui s'imposa très vite comme le moins Bond des Bond étant surtout un divertissement anecdotique et aseptisée qu'un James Bond mémorable. La saga prit encore un tournant avec Skyfall son 23ème opus, marquant ses 50 ans avec l'arrivée de Sam Mendes. Plus shakespearien et torturé que jamais, on plongeait dans une réflexion habile du héros, de sa raison d'être et de sa place dans le monde. Avec cet excellent opus, le meilleur de la saga, tout était dit et les ambitions du studio furent respectées, James Bond étant réhabilité, plus moderne mais aussi diablement classique, il était à la fois nouveau et pourtant déjà connu. Et fort de ce succès, l'équipe fut quasiment repris au complet pour offrir à l'espion britannique sa 24ème aventures, offrant à beaucoup et à tort, la promesse d'un Skyfall 2.0. On sent en terme de scénario une envie parfois par très judicieuse de tout réunir, comme si chaque films de l'ère Craig ne devait faire qu'un. Même si tout ceci se montre ambitieux on se rend très vite compte que l'exécution est souvent assez bancal. Tout avant été dit sur le personnage lors de l'opus précédent et vouloir en faire la continuité est louable mais replongé dans son passé n'est pas nécessairement judicieux surtout que c'est ce qui fait le gros défaut du film. Car ici pour la première fois de l'ère Craig, James Bond est James Bond, celui que l'on a connu par le passé dans toutes ses fulgurances mais aussi ses défauts et on en est à un point où s'intéressé à l'homme n'est plus aussi intéressant et que l'on devrait se ré-intéresser à la légende. Et d'une certaine manière c'est ce que fait en grande partie l'oeuvre, on retrouve cette iconisation fantasmagorique du personnage. Ici il ne saigne plus, il transpire la classe comme jamais auparavant, il est plus cool et décomplexé que jamais, il est le Bond dans toute sa splendeur sauvant chaque situations, étant surhomme et héroïque. Et revenir à cette vision du personnage est quelque chose qui fait indéniablement du bien, dans une époque où l'on chercher les failles dans chacun avoir ce retour au classicisme se montre rafraîchissant. Au final ce qui fera le défaut du film c'est ses élans de modernité, à l'image du méchant assez fade aux motivations bien trop légère qui souffre d'être trop dans son temps malgré un aspect théâtrale très à l'ancienne, il reste mal défini et peut mémorable comme beaucoup de méchants à notre époque et dans ce genre de film, il n'en impose pas beaucoup. L'autre méchant, sorte d'homme de main increvable qui rappelle l'emblématique Requin, sera un personnage plus intéressant et s'inscrit bien mieux dans l'univers James Bond. Après dans ce soucis principal de revenir au old school, le film ne reprendra pas que le meilleur de la saga et nous imposera des figures féminines assez génériques, mal exploitées et exposées de manière très misogyne, le personnage de Monica Bellucci n’étant là que pour être la conquête d'un soir lors d'une des scènes la plus érotisée de la saga. L'envie de rendre hommage aux anciens films est palpable mais ce n'est pas l'aspect que l'on veut garder en mémoire des anciens Bond et c'est d'autant plus dommage surtout que ça déjoue une scène assez réussi qui avait un fort potentiel dramatique. Le deuxième personnage féminin sera légèrement plus exploité mais restera dans le registre de la fille en détresse à sauver malgré une tentative assez maladroite d'inverser les rôles. Surtout que sa relation avec Bond est plutôt grossière et dispose de dialogues assez affligeants. On ne s'implique pas dans celle-ci et elle vient trop souvent casser le rythme de l'aventure. Sinon l'ensemble se montre assez prévisible mais ce n'est pas foncièrement gênant, on se trouve devant quelque chose de divertissant, souvent drôles et disposant de réflexions post-Snowden pas dénué d'intérêts, permettant d'ancré le personnage dans le monde moderne. Le casting est encore une fois prestigieux, dominé par Daniel Craig, plus charismatique et classe que jamais. Il est ici au sommet de sa forme et continue l'excellent travail qu'il a fait avec ce personnage, après ce l'être totalement réapproprier, il l'incarne dans toute sa splendeur s'imposant et de loin comme le meilleur interprète du personnage. Celui-ci n'ayant jamais semblé aussi profond, complexe et héroïque. Les autres acteurs se montre aussi globalement très bon, Ben Whishaw en particulier interprète un Q assez drôle et attachant et Ralph Fiennes arrive à crédibilisé de manière efficace ce nouveau M. Après Christoph Waltz n'est pas au mieux de sa forme en tant que Némésis de Bond mais il fait néanmoins le job tandis que Léa Seydoux est ici à côté de la plaque, cette interprétation froide et monolithique qui la caractérise ne va pas au personnage et ce même si elle fait écho avec la froideur de Craig et que les deux semble partager une alchimie assez évidente. Sinon la vraie prouesse du film réside dans sa réalisation, comme pour Skyfall Mendes fait un travail d'orfèvre même si techniquement on peut déplorer une photographie moins prodigieux, Hoyte Van Hoytema faisant un très bon travail notamment sur les effets de brumes et lors des passages de nuits mais il n'atteint pas le génie de Roger Deakins. De plus le score musical de Thomas Newman est ici moins inspiré que ce qu'il avait fait par le passé tandis que la chanson de Sam Smith ne colle absolument pas avec le film. Par contre on a encore une fois un montage habile qui favorise la lisibilité des scènes d'actions, moins "bourniennes" que par le passé et étant totalement dans le style "bondien". La mise en scène de Sam Mendes brille souvent pas son classicisme maîtrisé et élégant offrant des scènes d'actions flamboyantes et des plans de toute beauté. Très théâtral, il imprègne son film d'une ambiance presque morbide qui parvient à bercer le spectateur, le film disposant d'une identité visuelle très marqué et qui arrive à se démarquer de celle de Skyfall. Après on reste dans quelque chose de moins cinématographique que son aîné finalement, le tout cédant plus facilement aux clins d’œil et suivant plus rigoureusement le cahier des charges de la saga, mais le faisant de manière admirable. Surtout que Mendes nous offre une séquence pré-générique admirable, la meilleure vue dans un James Bond, un plan séquence de 6 min d'une virtuosité rare et qui a elle seule vaut indéniablement le coup d’œil. En conclusion Spectre est un très bon film malgré ses nombreux défauts car il parvient à accomplir plusieurs prouesses. Il parvient à ne pas se répéter par rapport à Skyfall, offrir un mélange cohérent entre modernité et classicisme, réhabiliter l'icône fantasmagorique qu'est James Bond dans le monde d'aujourd'hui tout en étant en accord avec son humanisation des précédents opus et surtout il propose un divertissement dense, souvent drôle et disposant d'une ambiance et d'une identité visuelle qui lui est propre. Il n'est certainement pas un film aussi abouti et prodigieux que l'était Skyfall mais il est assurément un James Bond plus flamboyant, épique et exaltant. Il retrouve l'essence de la saga pour le meilleur et pour le pire mais fait office de vent de fraîcheur et revoir le James Bond avec lequel on a grandi a quand même quelque chose d'assez beau et de précieux.