Sur le papier, en lisant le scénario, on ne pariait pas trois cacahuètes sur cette improbable brève rencontre. Alix, comédienne de seconde zone, quitte Calais, où elle joue un petit rôle dans une pièce d'Ibsen, pour se rendre à un casting à Paris. Dans le train, elle croise plusieurs fois le regard triste d'un homme chic, un peu âgé. Au moment de descendre du train, l'inconnu lui demande le meilleur chemin pour se rendre à l'église sainte Clotilde... Après son casting, la jeune comédienne, sur un coup de tête, décide d'aller retrouver l'homme dans cette église où se déroule un enterrement...
Avec un canevas aussi léger, on pouvait s'attendre à un de ces films sensibles, assez rasoir, qui enchante les critiques mais ennuie les spectateurs. Au bout du compte, il faut bien le dire c'est vraiment bien réussi. Je vais toutefois régler son sort à Gabriel Byrne (l'inconnu). Un peu coincé et à la sensualité d'une boîte de petit pois, il n'est pas tout à fait crédible. Même si son air inexpressif peut passer pour du chagrin, on a du mal à croire à sa passion dévorante. Il a l'allure d'un versaillais allant à la manif anti mariage gay, il n'enlève jamais sa chemise quand il fait l'amour, même après une étreinte brûlante quand il se vautre dans un lit dévasté. Enfin, non, Gabriel Byrne ne se vautre pas, il est sagement allongé, en chemise donc, les couvertures jusque sous les bras, distillant quelques mots tendres avec retenue. Heureusement que la mise en scène, très inspirée de Jérôme Bonnell, nous fait vite oublier ce qui me paraît une erreur de casting (magie des coproductions sans doute). S'appuyant sur un scénario millimétré, où rien n'est laissé au hasard pour rendre crédible cette incartade amoureuse, sa caméra se fait tour à tour gracieuse, caressante, inventive au gré de l'action. Mais la pièce maîtresse du film, pour qui a été écrite cette histoire, c'est Emmanuelle Devos.
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