C’est donc la journée de toutes les possibilités, sans qu’Alix sache encore vers quoi se diriger, comme si son sort était suspendu à un répondeur téléphonique enfin débranché, un horaire de train toujours repoussé. Peut-être une réponse, une attitude de celui qui a déjà saisi dans ses yeux quel serait son destin. Pour Alix, l’aventure est certes physique, mais Douglas (puisque c’est ainsi qu’il se prénomme) dépasse largement la fonction d’un amant, aussi doux et attentionné se montre-t-il. N’est-il pas aussi comme une bouée de sauvetage, un escarpement sur lequel se reposer et se confier un instant, se hisser pour s’extraire d’une vie qui ne tourne plus complètement rond, où l’annonce de ce qui devrait être la plus belle des nouvelles devient problématique, révélant en creux la routine et le manque de dialogue qui caractérisent dorénavant la relation entre Alix et Antoine ? Ce qui pourrait n’être qu’une banale, sinon sordide, histoire d’adultère, comme une parenthèse à peine ouverte sitôt refermée, se transcende dans l’absence totale de doutes sur la nature des sentiments qui aimantent Alix à Douglas et, pour notre plus grand bonheur, dans la beauté et la l’émotion qui se dégagent de l’ensemble sur lequel règne Emmanuelle Devos qui trouve là un de ses plus grands rôles après le sublime Rois et Reine d’Arnaud Desplechin. Féminine et sensuelle, forte et fragile à la fois, déterminée et égarée, lucide et pulsionnelle, elle joue son destin comme elle ne jouera sans doute jamais sur les planches des théâtres qui l’emploient.
Jérôme Bonnell nous laisse entrevoir comment ceux-là sont déjà en osmose, faits sans conteste l’un pour l’autre, fusionnés dans une délicatesse attentive à l’autre. Des horizons pourraient s’ouvrir, l’histoire ébauchée se prolonger dans les rendez-vous secrets et le mensonge. Ce serait ternir l’instant de grâce offert par Douglas à une femme bouleversante, et mue par un désir qui la submerge, incontrôlable et inéluctable. Un instant si intense et fondateur qu’on veut bien croire qu’il va l’emplir longtemps et que, peut-être, il va lui permettre une nouvelle manière d’envisager son rapport aux autres. Il n’empêche : Jerôme Bonnell signe un mélo solaire éblouissant, le portrait magnifique d’une femme partagée, incapable de tricher, mais croyant aussi à son instinct. Un film de grand cinéma qui glorifie l’éphémère, donc le moment présent et l’exceptionnel, en nous en rendant les spectateurs complices et chavirés.