Ce nouveau film des studios Disney et Pixar commence très fort. Les premières scènes sont si enthousiasmantes et si originales qu’on est sûr d’avoir affaire à un grand film d’animation. Nous voici emmenés au Mexique sur les pas de Miguel, un jeune garçon qui ne rêve que de musique alors que, dans sa famille, on est fabricant de chaussures de génération en génération et qu’il n’est pas question de choisir une autre voie. D’autant plus que, comme on l’apprend vite, la musique est honnie dans cette famille depuis longue date : une détestation qui remonte à l’arrière-arrière-grand-mère dont le mari, qui était précisément musicien, a abandonné les siens pour ne plus reparaître. Le petit Miguel, lui, ne l’entend pas de cette oreille : ses talents de musicien, il veut les faire fructifier et, bientôt, pour ce faire, le voilà qui essaie de se procurer la guitare de celui qu’il imagine être son aïeul, un chanteur qui était adulé par les Mexicains. Il faut préciser que ces événements se déroulent au moment où a lieu la fête des morts traditionnelle au Mexique, une fête où l’on expose les portraits des ancêtres et où l’on invoque leur mémoire.
Ces scènes introductives ne manquent pas de pertinence : elles indiquent fort justement que, au risque de décevoir les siens, on peut se passionner pour autre chose que ce à quoi semblent nous destiner les liens familiaux ; et elles ouvrent la voie à une audacieuse tentative d’explorer les rivages de la mort et les liens que l’on garde avec ses ancêtres. Malheureusement, toutes ces alléchantes perspectives s’écroulent plus ou moins par la suite. Il est vrai que les concepteurs du film n’ont pas craint la hardiesse : aller en visite, si l’on peut dire, du côté des morts, il fallait l’oser dans un film destiné à un public d’enfants ! Mais c’est là précisément que le bât blesse ! L’imagerie transmise par le film sur le monde des morts que le petit Miguel explore m’a paru extrêmement décevante. Que voit-on à l’écran ? Les morts représentés sous formes de squelettes ayant gardé leurs yeux globuleux et évoluant dans une sorte de ville futuriste telle qu’on peut en voir dans les films de SF, une ville clinquante de néons et hanté par un étrange monstre ailé ! Et, pour couronner le tout, dans ce monde des morts, l’on continue à régler ses comptes comme avant et à acclamer des stars de la chanson qui se produisent dans un grand stade ! En fin de compte, il n’y a guère de différences entre les vivants et les morts dans ce film, si ce n’est que ceux-ci sont réduits à l’état de squelettes (et qu’ils n’ont plus besoin de petit coin, comme le précise à un moment l’un de ces derniers !). Toute cette imagerie lourdaude a détruit, à mes yeux, une bonne partie du charme qui avait commencé à opérer au début du film. Et puis, même si je suis bien conscient qu’on a affaire à de la fantaisie, ce dont les enfants ne sont pas dupes, je me demande quand même quelle curieuse image ils se feront de la mort après avoir vu un tel film… De quoi, peut-être, introduire à une discussion avec les parents, ce qui serait un moindre mal…