"Paradis : Amour" a beau être une belle réussite technique et esthétique, portée par une interprétation brillante (Margarete Tiesel, énorme, sans jeu de mots), il y a dans ce film quelque chose de profondément dérangeant qui lui fait perdre de sa valeur. Et ce n'est pas la faute du sujet abordé, aussi sordide soit-il. Au contraire, le tourisme sexuel pris d'un point de vue féminin, c'est assez prometteur et assez novateur au cinéma (à la télé, par contre, on ne compte plus les pseudo reportages voyeurs et cyniques sur les sugar mamas). Le problème, c'est que Seidl s'en fout. La relation homme/femme lui importe peu, c'est la relation Nord/Sud qui l'obsède et l'exploitation du second par le premier. Et c'est là que le film devient franchement dérangeant et désagréable, dans la façon dont le sujet est traité, dans la complaisance malsaine dont l'auteur fait montre et dans sa manière brutale et voyeuriste de dénoncer en forçant le trait. Exemple : il y a déjà une dose non négligeable de racisme induite dans toute forme de tourisme sexuel, est-ce vraiment nécessaire d'en rajouter en parsemant les dialogues de moqueries ou de remarques désobligeantes à l'encontre des Africains ? Seidl tombe dans le piège de ce qu'il est sensé dénoncer : il accumule les scènes gratuites (l'orgie finale, longue, pesante, plombée) tout en affirmant que tout à un prix, que tout n'est que marchandise (la recherche d'affection, les rapports humains...). C'est ce qu'il parvenait déjà à démontrer d'une manière beaucoup plus brillante dans son film précédent, "Import/Export", film également extrêmement craspec à bien des égards. "Paradis : Amour" n'en est qu'une redite fort peu subtile. A force de marteler son discours misanthrope et de s'aventurer dans les limites du glauque, Seidl finit par dégoûter le spectateur. Pourtant, on dira ce qu'on voudra mais afficher avec une telle limpidité la détestation et le mépris qu'on porte à ses contemporains, ça force quand même le respect et l'admiration. Schön, Herr Seidl.