Qu’est-ce qui soude une famille ? Qu’est-ce qui la dessoude ? Est-on en marge de la société par choix ou parce qu’on y est jeté ? Quand ces questions intéressent, avant de voir ‘Le Château de Verre’, on a vu sans doute le film ‘Libéro’ (2006), le film ‘La Vie Sauvage’ (2014), le film ‘Captain Fantastic’ (2016) (avec dans les rôles des pères de famille, respectivement, Kim Rossi Stuart, Mathieu Kassovitz, Viggo Mortensen). Mais on n’a pas seulement vu : on a aimé ou détesté ces films, et / ou aimé ou détesté ces rôles. On ne peut guère être indifférent. Et ces films, comme ‘Le Château de Verre’, laissent perplexes car il y a l’histoire et le film de l’histoire. La façon dont on élève un enfant est un sujet de discussion (et de narration) hyper-difficile et hyper-tendu entre toutes les façons de voir (et de raconter). Donc sans surprise, avec ‘Le Château de Verre’, on ne sait pas sur quel pied danser (de même que les trois films cités) : là, c’est à la fois un hymne au bonheur et un film d’horreur, et l’on a beau savoir que c’est une histoire vraie, on n’a guère envie d’y croire. Ce film crée le malaise. C’est un film sur l’exclusion, sur les antisystèmes, sur l’entêtement des parents, sur la déscolarisation de l’enfant, sur l’égoïsme, sur la folie, sur la liberté, sur la nature, mais aussi sur la perversion, sur l’inavouable dans les familles, sur l’alcoolisme, sur le courage, sur l’amour filial, sur le pardon. Ça fait beaucoup (et même beaucoup trop). Mais pour l’essentiel c’est l’histoire d’un père qui rêve. Un père : c’est-à-dire pas vraiment un homme libre (par définition des mots ‘père’ et ‘mari’). Et ce n’est pas n’importe quel père de famille, cet homme qui s’appelle Rex : c’est un hybride de génie et de T. Rex, d’où le désastre. Comme toute personne qui rêve éveillée, rien n’est simple évidemment (puisqu’on vit au milieu des autres et de la société, quoi qu’on fasse). Et ce père passera sa vie entière à rêver éveillé. Il fallait d’ailleurs que le rôle soit tenu par Harrelson ! –Woody Harrelson ne se départira jamais de son rôle dans ‘Tueurs nés’ (1994) : il a cette folie dans le regard qu’on vient de retrouver chez le Colonel de ‘La Planète des singes : Suprématie’ (2017) ; et il l’a encore dans ‘Le Château de Verre’. Le film montre l’impact sur sa famille qui gravite autour, ni bon ni mauvais (quoique le film prenne clairement parti à la fin –sans convaincre). Mais il suit en priorité ce père à la trace, dans sa complexité, dans ses excès, dans son égoïsme, dans sa bonté, dans sa faiblesse. Le film dérange, comme toujours quand un film déstabilise, mais il est très loin d’être inutile, même s’il est loin d’être génial. Il est utile. Le spectateur est ballotté entre les questions, entre la colère et la pitié, entre l’admiration et l’impatience. Il n’est ni dans la turbulence ni dans l’ordre. Le spectateur est, comme Rex le dit lui-même de sa vie à un moment du film, dans une zone sans turbulence et sans ordre, une zone où l’on n’a pas encore trouvé de loi qui la régisse –l’homme apparemment a de solides notions de physique où il puise ses images. Et en effet la vie n’a pas encore été mise en équation, et encore moins l’éducation.