Dans l'Italie en perdition que nous décrit Pippo Mezzapesa, la Beauté est une femme perdue, qui tente d'oublier son deuil en se souillant des baisers d'inconnus. La famille est en décomposition, soit absente, soit frappée par la maladie. La pauvreté et la pollution sont partout, et le seul moyen de s'en sortir semble être le football. Les rares qui ont une chance dans ce domaine finissent toutefois par la gâcher dans la violence. La religion est toujours présente, ancrée dans le quotidien, mais c'est surtout une sorte de réflexe auquel on se raccroche, sans y croire. Ce sont les scories d'une tradition moribonde, à laquelle le héros ne croit plus. Et quand on a l'occasion de remplacer l'image de la madone par celle d'une belle fille, on n'hésite pas un instant. Dans ce marasme, la figure d'Annalisa est à la fois le seul miracle digne de ce nom, puisque c'est le seul être vraiment beau, et c'est aussi une pécheresse, sexuellement incontinente, par dessus tout suicidaire. Lorsqu'on la voit masturber un adolescent, tout en refusant d'être embrassée, le don qu'elle fait de son corps a quelque chose de christique. Elle tient de Marie-Madeleine, et elle a tout d'une sorcière, vivant isolée au coeur de la campagne, sans famille. Mais elle est aussi douloureusement réelle. Elle tente d'effacer cette erreur qui est la sienne, d'être née belle dans un monde entièrement pourri, en tentant de se suicider. Les hommes cherchent à l'accaparer, soit en la baisant vulgairement, soit en la "sauvant". Leur désir est toujours égoïste : même quand ils cherchent à l'épouser, c'est toujours pour leur propre plaisir. Annalisa est la seule part de magie dans ce film terriblement réaliste, qui est aussi une ode à l'amitié. L'amitié est le prétexte des seuls moments vraiment beaux du film, quand on voit la bande de copains se jeter à l'eau et s'ébrouer, ils oublient leur destin vulgaire, et sont heureux, au moins pour quelques minutes. A moins qu'Annalisa ne vienne les sauver à leur tour...