Que voilà une belle occasion ratée pour Will Smith de se refaire une santé cinématographique ! Tout semblait, pourtant, réuni avec ce diversion qui cumulait un pitch alléchant (les histoires d’arnaqueurs le sont toujours), un duo de réalisateurs qui commencent à se faire un nom (Glenn Ficarra et John Requa) et un duo avec la bombesque Margot Robbie, le tout avec des fringues classes et dans un décor luxueux. Au final, on est loin de "L’arnaque" et autres" Ocean’s Eleven"… et la faute en incombe, tout simplement, au scénario ! Car c’est peu dire que l’intrigue n’est pas à la hauteur des enjeux espérés. On se prend, pourtant à rêver pendant le premier quart du film qui voit Nicky (Will Smith, égal à lui-même mais pas plus, ce qui devient une habitude un peu pénible), arnaqueur professionnel apprendre les ficelles du métier à la jeune aspirante Jess (Margot Robbie, épatante malgré un rôle trop souvent nunuchisant). Tout n’est, certes, pas parfait, à commencer par la rapidité avec laquelle Nicky va lui dévoiler ses méthodes(au mépris des règles les plus élémentaires de méfiance) et la romance qui prend (déjà) une place trop importante… mais on espère que le film tiendra ses promesses en matière de rebondissements et autres twists. On espère, surtout, que la relation entre les deux héros sortira un peu de l’ordinaire. Malheureusement, le film connaît un premier accroc lorsqu’il impose au spectateur une ellipse temporelle de trois ans
après avoir provoqué la rupture du couple
. Le problème de cette ellipse est qu’elle arrive bien trop tard dans le récit et vient, dès lors, complètement flinguer l’équilibre du film. Ce n’est pas que le début du film soit raté mais, s’ils voulaient, à tout prix, caser l’apprentissage de Jess, les réalisateurs auraient peut-être été plus inspirés de procéder par voie de flash-backs successifs (façon "Spy Game") plutôt que par le biais de cette bien trop longue introduction qui, autre problème, est déjà trop riche en faux-semblants
(voir, notamment, la scène au stade avec le parieur compulsif)
. Résultat : après cette ellipse qui vient casser le rythme du film, le spectateur a largement le temps de cogiter sur ce que lui réserve la suite et, forcément, se met à douter de tout et de tout le monde… ce qui n’aide pas à être surpris ! Et pourtant, le scénario croit être balèze en matière de renversements de situation inattendus… ce qui n’est pas le cas. On devine, ainsi, aisément, que
Nicky va arnaquer le bellâtre Garriga (Rodrigo Santoro) et qu’il manipule, à nouveau, Jess, tout comme on ne peut pas être surpris que cette dernière ne s’est pas rapprochée du fameux Garriga seulement pour ses beaux yeux
… Et quand le scénario veut montrer ses muscles pour prouver qu’il peut aller plus loin avec une "révélation incroyable", elle s’avère complètement invraisemblable et, donc, sans intérêt
(l’homme de main de Garriga qui s’avère être le père de Nicky)
. Plus grave sans doute, le film ne tient pas ses promesses sur tout un tas d’autres rebondissements qui auraient pu enrichir l’intrigue à défaut d’être vraiment surprenant…
à commencer par le fait que les deux héros se retrouvent, trois après leur rupture et par le plus grand des hasards, sans qu’il ne soit révélé qu’il s’agissait, en réalité, de la volonté de l’un d’eux
! J’attendais, également, que
Jess se révèle être, en fait, une arnaqueuse hors pair qui mène tout le monde par le bout du nez depuis le début (ce que laissait supposer l’affiche)
… ce qui n’a visiblement pas effleuré l’esprit des scénaristes. Quant à la romance, elle tient une place particulièrement disproportionnée alors qu’un film d’arnaqueur se veut, en principe, cynique ou, à tout le moins, pudique sur le sujet. Et ne parlons pas des multiples grosses ficelles habituelles inhérentes au boulot d'arnaqueur sur grand écran... "Diversion" manque, donc, sa cible, ce qui explique son échec au box-office et le jeter tout droit dans les oubliettes des cinéphiles… et ce alors qu’il recèle certains atouts plus que surprenants ! Tout d’abord, on ne peut constater qu’il y a eu un vrai travail d’écriture sur les personnages et sur les dialogues, souvent incisifs, voire drôles dans leur côté cash et décalés. Les échanges atypiques entre Jess et le gros Farhad (Adrian Martinez) sont un parfait exemple de cette écriture trop rare dans ce genre de film. On a, d’ailleurs, l’impression que chaque personnage a été soigné pour marquer les esprits, du méfiant homme de main Owens (Gerald McRaney) au complice discret de Nicky (Brennan Brown) en passant par le proprio d’écurie gueulard (Robert Taylor). Dommage que les scénaristes aient négligé l’intrigue au profit des détails, certes importants mais qui sont censés être l’accessoire de l’histoire… Diversion est, dès lors, un film de facture classique, voire décevante, émaillé de dialogues de qualité et de l’interprétation de Margot Robbie. C’est déjà ça…