Les risques du métier et le syndrome du Crétois menteur.
J’ai dû vivre dans une grotte ces trente dernières années, je n’avais jamais vu un seul film de Thomas Vinterberg. J’ai alors regardé Drunk puis Festen (que peut-être j’avais vu alors mais sans plus m’en souvenir). Je me suis dit « voilà un réalisateur à côté duquel il m’est interdit de passer, voyons voir : oh, une autre collaboration avec Mads Mikkelsen, ça doit être de la dynamite, un joyau d’humour noir et d’intelligence ! »
Eh bien non. Enfin, pas vraiment. Le sujet traité ici peut, il est vrai, difficilement être traité sur le ton de la comédie. Il est tout aussi vrai que l’humour noir serait jugé déplacé. Du côté de l’interprétation, il n’y a pas grand-chose à redire même si Thomas Bo Larsen est un cran en-dessous de ce qu’il a déjà pu montrer. La réalisation… Bon, là, un peu quand même. Si je peux comprendre que Vinterberg ait souhaité abandonner le projet Dogme 95, on se retrouve ici avec une œuvre assez plate, sans aucune élévation visuelle.
Enfin, parlons du scénario qui voit un pétard mouillé se transformer en bombe en quelques minutes. Ça ne tient pas la route. On imagine en effet difficilement qu’un simple soupçon corroboré par aucun comportement laissant suspecter de réels attouchements puisse ainsi être livré en pâture à l’ensemble d’une communauté. Et c’est par ailleurs assez dommage parce que les pièces du puzzle avaient été subtilement amenées, dès les premières images où l’on voit un homme nu se jeter dans le lac en public sous les vivats de son groupe de potes ou lors des quelques scènes où l’on voit la petite Klara délaissée par ses parents ou encore lorsqu’on croise le grand frère de Klara regarder du porno avec son pote en toute décomplexion. Ça aurait pu donner quelque chose. L’amourette vite emballée entre Lucas et Nadja n’apporte, elle, absolument rien et réduit l’intérêt de l’oeuvre à ce qu’on peut trouver dans des films américains aseptisés. En outre, la même phrase répétée par tous les protagonistes, concernant le fait que la petite fille ne ment pas, ne ment jamais, est complètement hors sol : aucun adulte sensé ne peut dire qu’un enfant ne ment jamais, a fortiori des professionnel·les de l’éducation comme la directrice du jardin d’enfants ou le psychologue de ses amis qui recueille le témoignage de Klara. C’est même, hélas, plutôt l’inverse, encore aujourd’hui. Enfin, la réaction immédiate et disproportionnée des adultes est complètement invraisemblable.
Peut-être finalement est-ce là le vrai thème de ce film : la féroce envie de croire au pire pour pouvoir défouler sa violence. Les soupçons de pédocriminalité ne seraient alors qu’un prétexte. Je ne suis pas persuadé que cette idée grandit le scénario, bien au contraire.
Et que dire de l’histoire du chien ? c’est d’un prévisible et d’un cliché total. Une faute de goût qui décrédibilise le peu qu’il restait.
Vinterberg signe ici un très mauvais film, l’antithèse de ce qu’il a pu proposé à ses débuts.