« La chasse » n’est pas un sujet sensible sur la pédophilie, mais sur la rumeur liée à la pédophilie. La rumeur née d’un mensonge, née de la bouche d’une enfant qui ne mesure pas du tout les conséquences de sa démarche. La société danoise passe pour être tolérante et bienveillante. Or, ici, Grethe, la directrice du jardin d’enfants se montre intransigeante. Certes, elle avance à petits pas en convoquant un pseudo psychologue, qui lui aussi bâcle son « interrogatoire », mais elle est déjà convaincue de la culpabilité de Lucas. Et évidemment, la rumeur qui n’a pas de race, de religion, de frontière se répand à la vitesse grand V comme dans n’importe quel pays, ce que veut nous dire Vinterberg. Le pire dans tout ça, ce n’est pas que le mensonge de l’enfant Klara, étonnante Annika Wedderkopp dans ses regards, dans sa façon d’éluder les questions, dans ses silences, c’est dans l’attitude des parents qui veulent se convaincre que le crime a bien eu lieu. On peut très bien comprendre qu’Agnès, la mère de Klara, ait une réaction épidermique, violente sur le moment. Mais quand sa fille revient sur son mensonge, la mère ne veut rien entendre. Elle convainc même sa fille qu’elle a bien été victime. En soi, personne n’écoute vraiment Klara ; on ne veut écouter que la rumeur déguisée aussi sous les traits de la directrice du jardin d’enfants. La rumeur n’est rien d’autre qu’un virus qui va contaminer tous ceux qui veulent l’écouter, qui veulent se persuader ! Mads Mikkelsen, qui occupe pratiquement tous les plans, mérite amplement son prix d’interprétation masculine à Cannes ; sous se corps viril, solide se cache un homme profondément sensible ; effondré par ce qui lui arrive, il est même incapable de se révolter. Son corps n’est qu’une apparence, il se révèle fragile, voilà pourquoi aussi le traitement de son personnage est intéressant. On aurait pu le faire autrement, on aurait pu dire que ce chasseur « bien monté » ne peut pas ne pas être un « rentre-dedans ». Au contraire. Vinterberg en fait un homme dépassé, déséquilibré par la rumeur. Le malaise est aussi dans le comportement de Lucas qui tout en retenu converse avec Klara qui veut sortir le chien, malaise quand Lucas porte dans ses bras Klara un an après les faits. Malaise de la part de la population qui restent sceptique sur son innocence alors que la police, hors champs, semble l’avoir innocenté. D’un côté, on nous dit que les enfants ont de l’imagination, de l’autre, on nous demande de croire les enfants. « La chasse » nous propose un mix assez effrayant : on a du mal à ne pas croire que ce l’on a cru. La scène finale nous dit quelque part que la rumeur marque ses victimes lesquelles restent la proie des chasseurs qui vouent un culte à la rumeur.