En 1997, Nabil Ayouch réalise son premier long-métrage, « Mektoub », qui remporte un énorme succès au Maroc et qui sera le premier film à représenter le pays à l'Académie des Oscars. Seize ans plus tard, Ayouch propose le drame « Les Chevaux de Dieu », qui sort en catimini cette semaine dans les salles, malgré sa sélection en compétition officielle au Festival de Cannes 2012 dans la catégorie « Un certain regard ».
« Les Chevaux de Dieu » surprend par sa capacité à démontrer l'évidence : les pires idées naissent hélas souvent dans une société altérée sociologiquement et économiquement parlant, en l'absence de repères pour sa jeunesse. Le film de Ayouch puise sa force dans l'empathie douloureuse que nous ressentons tout au long des 1h55 de bobine, sans jamais néanmoins, une prouesse, nous pousser à condamner les protagonistes – devenus des marionnettes totalement lobotomisées et défaits de leur libre-arbitre – y compris lors de l'épilogue à la tension insoutenable.
La première partie propose un aperçu des bidonvilles de Casablanca et de ses habitants, mais ne verse jamais dans la caricature. Ayouch dépeint objectivement, de manière quasi factuelle et documentariste, les problématiques et les incertitudes des jeunes banlieusards plongés dans le chaos de leur sinistre environnement.
« Les Chevaux de Dieu » soulève très justement dans sa seconde partie la question de l'endoctrinement des Djihad, recrutés souvent très jeunes, sur des personnalités vulnérables et désemparées, autrement dit, du gibier facile. Aucun élément n'est traité ici de façon démonstrative ou brutale, et sans parti pris, nous sommes simplement spectateurs (impuissants et bouleversés) du processus lent et minutieux de la manipulation insidieuse orchestrée par les radicaux.
On suit enfin dans un troisième temps la destinée tragique des personnages principaux (la fratrie et leur entourage immédiat) dans une séquence haletante et ultra réaliste d'attentats à la bombe. Ici encore, pas de jugement, seulement des faits.
Casting composé d'acteurs non professionnels issus du bidonville de Sidi Moumen, le film n'en demeure pas moins excellemment interprété. Et pour cause !
Bilan : Une œuvre unique, forte et puissante, maîtrisée de bout en bout par le réalisateur Nabil Ayouch, un homme audacieux et courageux, un type d'envergure qui filme la véritable descente aux enfers de ces jeunes qu'il connaît bien avec un côté saisissant de réalisme et d'inéluctabilité.