Après "Sicario" sur la lutte des États-Unis contre les cartels mexicains et le trafic de drogue, le scénariste Taylor Sheridan continue d'explorer les voies d'une Amérique rongée de l'intérieur. Ici, ce sont les banques responsables de la misère ambiante des villes d'un Texas déserté. Des banques qui privent de leurs terres les habitants de la région comme les aïeuls de ceux-ci ont privé les Indiens de leurs terres auparavant. Au cœur de ce cycle infernal, deux frères ont élaboré un plan pour voler des banques appartenant à la même firme afin d'éviter la saisie de la propriété familiale et de rembourser la banque avec son propre argent ! Un plan conçu par Toby, le frère cadet, un type sans histoires qui s'est alors tourné vers Tanner, son aîné, habitué à la violence et à la prison. Malgré leur plan impeccable, les deux frangins sont collés par un Texas Ranger à la veille de la retraite et son adjoint, décidés à les arrêter. Surtout que l'escalade de la violence semble inévitable... Film teinté de mélancolie oscillant entre thriller, western et drame social, "Comancheria" surprend par la simplicité de sa construction. Peu de personnages, un schéma classique et pourtant une redoutable efficacité. Faisant fonctionner l'empathie avec chacun des personnages (quand bien même on se doute qu'ils vont finir par s'affronter), le scénario nous livre un constat amer et une galerie de personnages au bout du rouleau, chacun à sa façon. Jeff Bridges, bedonnant et roublard avec son accent à couper au couteau, incarne un Texas Ranger vieillissant qui se fait dépasser par les événements malgré son intelligence tandis que face à lui, Chris Pine et Ben Foster offrent de solides prestations. Les deux trouvent chacun un très beau rôle, l'un dans le calme apparent, l'autre dans le bouillonnement intérieur. Malgré certains éléments comiques, "Comancheria" reste traversé par la misère et la lose (mais la lose magnifique, celle qui rend les personnages plus beaux que jamais) que ses personnages trimballent, offrant de très belles scènes, toutes traversées par une mélancolie prenante. Lorgnant du côté des réalisations de Don Siegel, David McKenzie livre une mise en scène solide à la très belle photographie dont on aurait pu espérer mieux. Mais malgré tout et malgré certaines facilités de l'intrigue, "Comancheria" est une œuvre dense et foisonnante, laissant apercevoir tout le panorama d'une Amérique qui se meurt et tout le talent d'un scénariste qui bâtit son univers sans artifices, avec une sincérité et une beauté élégiaques.