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Flavien Poncet
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4,0
Publiée le 20 janvier 2008
Jean-Marie Straub et Danièle Huillet voient le cinéma non pas comme un moyen de trucages, de divertissement mais plutôt comme une méthode de contestation. A l’instar d’Eisenstein, les techniques du cinéma et de la direction d’acteurs permettent l’expression d’un propos processif. Un enfant, interprété vraisemblablement par le fils des Straub, décide de ne plus apprendre que ce qu’il sait à l’école. Comment ? «En rachachant» (France, 1976) expose cette idée extravagante, fantasme de jeunesse, prétention naïve de ne pouvoir vivre que de ce qu’on sait. L’idée est adaptée d’une nouvelle de Marguerite Duras mais elle se dissipe au profit d’une mise en scène omnipotente. Cette prééminence se vaut par la puissance de la forme dans le récit. Confronter le jeu des acteurs à la réalisation des Straub permet la mise en exergue de leur cinéma. La diction est machinale, ultra-meyerholdienne, elle s’adapte à la technique du cinéma, à sa valeur mécanique. Le cinéma, pour Straub et Huillet, s’insinue partout, en tous les pores de sa composition. Le court-métrage en donne l’exemplaire exercice. Cette conception de la direction d’acteurs la récuse et livre les comédiens, non plus au profit de leurs personnages, mais à celui de la mise en scène. Ainsi Straub et Huillet sont de vrais cinéastes. Et la poétique dans cette physique cinématographique ? Sans légèreté, le cinéma se fixe pour devenir le fantasme fulminé de l’enfance. Mais le fantasme ne se vêt pas d’apparats aguicheurs, comme dans ces comédies américaines qui mobilisent toutes les techniques industrielles. Le fantasme revêt l’image du cinéma, d’une idée précise du cinéma. La valeur militante qui caractérise le cinéma des Straub métamorphose la nouvelle de Duras en un désir, celui d’une prise de pouvoir facile des petits sur les grands. «En rachachant» n’est pas une grande œuvre, il est toute fois un court-métrage cathartique, libérateur mécanique de la volonté de dire «merde».