C'est l'histoire de Ben Whittaker, un veuf retraité de 70 ans qui revient sur le marché du travail en tant que stagiaire pour une société de mode. Celle-ci est dirigée d'une main de fer par Jules Ostin, une véritable bourreau de travail ne vivant qu'à travers son job.
Voilà donc le synopsis de ce film à succès, que vous plébiscitez tous dans vos critiques. Mais comment pouvez-vous encenser un tel film ?!! Comment pouvez-vous saluer le système qu'il décrit ?!! Réveillez-vous bon sang ! A l'époque où nous vivons (2015, je précise pour ceux qui liront cette critique dans 50 ans), je trouve tout bonnement scandaleux de faire l'apologie d'un tel fonctionnement !
Nous avons 3 500 000 chômeurs en France, 25 % d'entre eux ayant moins de 25 ans, et tout le monde juge cette situation alarmante, à juste titre. Voilà qu'on vous vend dans ce film un retraité qui vient prendre un poste habituellement accordé aux jeunes, et vous trouvez ça normal ?!! Vous vous imaginez si tous les retraités faisaient ça, la catastrophe que cela serait ? Vos futurs enfants, vos petits-enfants, n'auraient plus aucun avenir, les études deviendraient complètement obsolètes car sans débouchés. Plus de travail, donc plus de pouvoir d'achat, notre économie entière s'effondrerait, ce serait la famine, la guerre civile, la France à feu et à sang !
Mais je ne jette pas la pierre au pauvre vieux décrit dans le film, au demeurant fort sympathique, qui trouve dans ce travail un moyen de combler le vide laissé par la mort de sa femme, et donc sa solitude. Non, j'accuse haut et fort la société qui l'embauche à ce poste, alors qu'il existe mille et une associations bénévoles et/ou caritatives où les retraités peuvent se rendre utiles, et tout cela pour une bonne cause. D'ailleurs, qu'en est-il de la paye de ce retraité ? S'agit-il d'un stage rémunéré ? Et non mesdames et messieurs, j'ai bien tendu l'oreille, et à aucun moment du film il n'est fait allusion à une quelconque rétribution ! C'est une honte !
Encourager le travail des retraités (avec la volonté sous-entendue, à long terme, de supprimer les retraites), et les faire travailler bénévolement jusqu'à leur mort pour enrichir les patrons, voilà donc les valeurs prônées par ce film que vous adorez tant. Alors je le dis haut et fort : êtes-vous sûrs d'avoir bien compris le message de la réalisatrice ?!! (qui doit certainement avoir des actions en bourse dans le PSG, par ailleurs).
J'irai même plus loin dans la critique de ce film nauséabond, en abordant pour terminer le personnage de Jules Ostin, interprétée admirablement bien par Anne Hattaway, tellement bien qu'il me venait des hauts le cœur que je ne pouvais réprimer. « Jules », ce prénom masculin portée par une femme est plus qu'évocateur. Nous avons là le stéréotype parfait de la figure féminine occidentale du XXIème siècle, forte, entreprenante, prétendant au même titre que son homologue masculin à des postes haut placés, désireuse de se faire une place dans la société après des siècles de discrimination. Une belle figure donc, qui tout au long du film montre des failles attendrissantes, mais garde toujours la tête froide, contre vents et marées. Oui mais ! Cet affranchissement des codes habituels de la société, ce féminisme exacerbé, met son couple en péril : son mari, réduit à un rôle de « femme au foyer », mal dans sa peau de mâle dominant, sans repères, se perd dans les bras d'une autre. Pour Jules Ostin, la lutte qui se joue en son for intérieur est toute simple, et on comprend son dilemme : faut-il pour s'accomplir et s'épanouir dans son travail mettre sa vie sociale entre parenthèses, jusqu'à la détruire ?
La réponse, mièvre et peu originale (normal, c'est un film américain), est bien entendu non. Mais je m'attendais alors, à tort, à ce que Jules Ostin lève simplement le pied en guise de happy end, en faisant du retraité, pourquoi pas, son responsable adjoint. Que nenni ! Nous apprenons à la fin du film que la solution trouvée par le mari est le retour à l'emploi, qu'il avait quitté, rappelons-le, pour le bien-être de leur enfant. Et voilà que Jules, toute heureuse, approuve et part faire du yoga dans la forêt, débarrassée de toute inquiétude. Ben voyons, quelle brillante idée les amoureux !!! Mieux vaut que vous soyez deux dans votre couple à vous tuer à la tâche plutôt qu'un seul, ça va tout arranger en effet ! Comme ça, le problème ne sera plus la tromperie, mais la déchéance du gamin qui tombera peu à peu dans la coke et les escort girls, voire World of Warcraft ! Et vous savez quoi : votre couple n'ira pas mieux, puisque vous serez perpétuellement fatigués par vos journées de travail acharnées ! C'est ça, le modèle américain ? Travailler plus pour gagner plus et mourir jeune d'épuisement ?!!
Bref, un film révoltant. C'est une sale époque que nous vivons, vraiment...