Mon dieu quelle expérience apocalyptique ! Je n'ai pas regretté le choix de Zombie pour fêter Halloween, et ce film mérite amplement sa réputation de classique horrifique incontournable. Et incomparable, ajouterez-je, car c'est le style unique de Zombie qui m'a le plus frappé, son identité propre malgré des ressemblances avec la Nuit des Morts Vivants, le premier de la saga des Morts Vivants de Romero, qui avec ces deux seuls films que j'ai vu de lui m'a subjugué par son talent cinématographique stupéfiant. Comme Carpenter, Romero a le cinéma dans le sang, il adore faire des films d'horreur, et il se débrouille comme un chef avec des budgets ridicules. Mais finalement ces analogies s'arrêtent ici, et c'est tant mieux. A chacun des auteurs ses idées et sa patte, ce qui permet au cinéphage de se régaler de leurs filmo respectives sans les confronter par trop de similitudes entre les deux. Donc Zombie, c'est un film cultissime, qui s'assoit sur le trône d'un sous variante de l'horreur, au sommet de son domaine et j'oserais ainsi dire que d'une certaine façon il côtoie The Thing et Shining qui représentent le summum de l'expérience de l'auto-suggestion. Passons maintenant aux choses sérieuses. Zombie est une œuvre critique, éminemment complexe et proposant une vision cohérente de la nature humaine à de multiples niveaux psychologique : notre manière de survivre suivant notre personnalité/vie antérieure, notre manière d'envisager l'avenir lorsqu'il s'annonce sombre, nos relations qui tendent à un retour vers le comportement animal dans une civilisation au bord de l'apocalypse...Cette étude est abordée grâce aux protagonistes. Ce casting d'inconnu, ou de petits acteurs de série B, qui s'en tirent avec une efficacité redoutable, compose un quatuor mémorable et très attachant. Ken Force dans le rôle de Peter, le héros véritable : c'est lui qui sait contrôler le mieux sa nature humaine, car il est présenté avant tout comme une personne sensible, qui refuse de se soumettre aux ordres lors de la tentative de mise en quarantaine de l'immeuble au début du film, et qui va frôler délibérément la mort suite à la peine qu'il éprouve. Il partage ces caractéristiques avec Gaylen Ross qui joue Francine, à la différence près qu'elle ne possède pas ses capacités physiques et techniques liées à son entraînement militaire et à sa force. Son instinct de survie de femme lui intimera d'apprendre à survivre dans ce monde hostile, d'autant plus pressant qu'elle attend un enfant. Scott H. Reineger campe Roger, soldat un peu plus intelligent que la moyenne, mais encore trop jeune et impulsif pour échapper aux griffes des Zombies. L'évolution de son comportement se manifeste par de la peur lors de l'assaut qui préfigure le film, puis après avoir découvert Peter, un pote sur lequel il peut désormais s'appuyer, il prend peu à peu de l'assurance, puis finira par négliger les Zombies et c'est en les sous estimant qu'il finira par y passer. Si le film ne fait pas peur en général, la scène de sa résurrection a soufflé un vent de panique sur le petit groupe de spectateur que nous étions ! Enfin David Emge, incarnant le personnage de Stephen, représentant l'homme de classe sociale moyenne, marié, facilement sujet au désespoir face à une situation où aucune autorité supérieure ne le prends en charge, et craignant la mort. Dans le centre commercial, le destin l'obligera à prendre les armes, pour protéger sa femme (subconscient primitif de mâle protecteur conservé dans la vie de petit bourgeois ?), et ses actes modérés lui permettront de rester en vie davantage de temps que Roger, mais ses pulsions matérialistes le perdront, là encore j'y vois un désir ancestral de possession territoriale refaire surface. Le développement de l’œuvre s'étend aussi, bien entendu, sous l'angle des actes perpétués par les Zombies. Ces derniers tuent pour se nourrir, restent attachés à leurs anciennes occupations par pur réflexe, sont lents et vide. Sachant que Romero met souvent ses idées politiques au premier plan dans ses films, on peut presque prendre cette masse de zombies pour une vision totalement nihiliste de l'humanité ! J'ajouterai qu'il insère une piqûre de rappel sur son aversion du racisme au centre de la Nuit des Morts Vivants en faisant d'un noir le héros le plus sage et humain (au sens émotionnel) du film. Hum, mais ce serait aller trop vite en besogne, car Zombie déploie un grand nombre d'aspect traités de manière intéressante. Certains s'en sortent, d'autres pas. La morale peut quasiment se considérer comme un fait scientifique cynique, d'ailleurs tout Zombie est une vaste, chaotique et alambiquée expérience de science psychologique. Mon regard ne fouille que vaguement son essence même, car on peut aller très, très loin dans son analyse. Alors tournons nous vers les effets spéciaux et tout le tralalala technique ! (miam!) J'ai déjà écris que le film n'était guère effrayant, en revanche on a droit à des montagnes de gore impensables pour l'époque ! Ce génie des trucages qu'est Tom Savini (qui bossera plus tard sur Vendredi 13, lui aussi un fleuron de gore artisanal...) maquille comme il peut des centaines de zombies malgré le peu de moyen dont disposait l'équipe, et offre du saignant à souhait, qui s'exprime sous toute les formes (amateur du genre, vous tenez là un sacré lot de découpages, explosions de boyaux, cervelles...enfin bref dans Zombi il y a tout, absolument tout ce qui est possible et imaginable en matière de charcutage de morts vivants! Avec, en prime, un repas monstrueux qui dépasse de loin en terme choquant celui de Night of the Living Dead), et ceci avec une tangibilité et heu...une consistance dont sont dépourvus les effets numériques aseptisés d'aujourd'hui. L'approche de Romero se veut par moments comique au second degré, c'est ce qui a en partie révolutionné le genre à l'époque. Cependant il faut souligner une alternance entre des séquences purement fun et des séquences tragiques qui ne nuit en aucun cas à l'intégrité de l’œuvre. Remarquons la scène la plus terrible où Peter se voit obligé de tirer sur des gamins zombifiés, traumatisante à l'époque et maintenant encore, qui s'inspire peut-être du meurtre froid de la fillette dans Assaut on Preccint 13 de Carpenter. Je termine sur la musique, je sais qu'il existe plusieurs versions, et j'ai découvert le film avec celle du groupe Goblin. Répétitive, lourde, obsédante, elle nous enfonce peu à peu dans une transe macabre, nous faisant ressentir au fond de nos tripes l'avancée lente mais inéluctable des zombies. Le climax de Zombie lui doit beaucoup. Et c'est cette fameuse ambiance allié à une profondeur surprenante qui a immédiatement élevé à mes yeux Zombie au rang de chef d’œuvre.