Mais qu'est-ce qui fait encore courir Woody Allen? Depuis Celebrities, je ne cesse de me poser cette question. Il a tout filmé, trop filmé peut-être. Ne s'est jamais vraiment renouvelé, a beaucoup radoté, mais arrivait malgré tout à retomber sur ses pattes jusqu'à ce film donc, réalisé en 98. Le dernier vestige d'un ex-grand réalisateur.
Tenir un rythme d'un film par an relève de l'exploit, mais à quel prix? Est-ce que le ressort ne serait pas un peu cassé, ou du moins sacrément usé. Quand d'autres passent plusieurs années à écrire/concocter un projet, lui nous livre sa fournée annuelle sans sourciller. D'ailleurs je suis toujours effaré de lire les même noms de collaborateurs aux génériques de ses films. Assez effrayant comme le temps semble figé. Rien ne bouge donc dans le cinéma d'Allen. Et ce n'est pas ces répétitifs ouvertures de scènes sur panoramique académique qui nous contredirons. J'avais juré ne plus voir un de ses films. Cette fois-ci j'ai cédé après avoir lu des critiques très positives. J'ai cherché, je vous jure. J'y ai même regardé à deux fois. Je n'ai toujours pas compris ce qui a bien pu enthousiasmer ces journalistes. D'ailleurs je me demande si même Woody Allen a encore de l'enthousiasme lorsqu'il filme tant les plans s'enchaînent avec platitude. Alors oui quand il a Darius khondji à la lumière on a l'illusion de voir du Cinéma, mais dans Blue Jasmine l'image y est très laide. On pourrait croire qu'il s'agit d'une image numérique. Les hautes lumières y sont cramées, enlevant toutes matières à la pellicule, aux surfaces, aux visages. Pour certains, ce sont des détails techniques, mais c'est dommage de ce prétendre cinéphile et d'avoir si peu d'exigence et d'attente pour l'esthétisme. Et en ce qui concerne l'histoire, on est guère mieux loti. D'abord le montage mécanique de "j'énonce/j'expose" devient vite insupportable. Un personnage parle d'un événement et tac, on a le droit à son flashback pour mieux nous montrer de quoi il s'agit. La forme douteuse donc, puis le fond. On l'aperçoit assez vite tellement il manque de profondeur. Woody nous rejoue encore une fois les affres amoureuses des bourgeois et leurs chutent sociales. On connaît la rengaine. Les riches chez les pauvres et inversement ça fait désordre, ça fait rire tellement ça fait tache. Les riches sont méprisants, les pauvres sont maladroits et chacun finit par se haïr et s'enferme dans sa caste. La frontière vers l'autre semble bien difficile à franchir malgré les liens du sang. Les situations sont prévisibles et amènent évidemment sont lots d'hystérie, sorte de parole universelle où les masques tombent et les différents protagonistes, en soliste, vident leur sac.
Franchement Woody, toi qui ne cesse de nous parler de Dostoievski, de Joyce, de Strindberg, t'as pas mieux à nous montrer. Ou alors va-t-on un jour découvrir que Woody est un fervant lecteur de la collection Harlequin. Du haut de ses 80 ans, il regarde le monde avec sagesse, un peu moqueur, mais reste humaniste. Ô comme c'est touchant. Quid de la passion, pas celle de Vicky Barcelona, non la PASSION. Quid de la folie, pas celle jouée par Cate Blanchett, qui agace par moment avec ses migraines à répétition. Quid de la réflexion, pas celle de Match Point où Woody se prend pour Pascal.
Ce qui fait courir Woody: un scénario sous perf, une exigence revue à la baisse, une absence totale de remise en question bien aidée par le lobby qu'il a créé et les recettes de ses films. Voir un film de W. Allen, c'est consommer W. Allen, c'est adhéré à une marque.
Pour finir juste un mot sur Cate Blanchett. A-ton attendu ce film pour s'apercevoir de son talent d'actrice? Et qui a pu douter qu'elle n'était pas capable de jouer des rôles de composition? Oui Cate Blanchett est une bonne actrice et elle l'a démontré à mainte reprise. Oui elle est capable de jouer des rôles excentriques. Alors pourquoi s'extasie-on tellement de sa performance dans Blue Jasmine? Elle confirme simplement son talent. Ou, est-ce la médiocrité de ses partenaires qui la font tellement briller dans ce rôle-ci ? Bref, sa performance n'est pas un coup d'éclat, ni un tour de force comme la critique essaie de nous le faire croire; elle est même entachée par la lourdeur du personnage et des situations où le crie se mue en langage.
Woody, il serait temps d'arrêter le massacre.