Alors que Cate Blanchett fait figure de favorite à l’Oscar de meilleure actrice pour son interprétation névrosée dans Blue Jasmine, retour nécessaire sur le dernier né de l’écurie Woody Allen. Les deux derniers succès du cinéaste ayant été encensés par le critique, Vicky Christina Barcelona et Minuit à Paris, Allen revient pourtant vers un procéder de création nettement plus terre à terre. Finit ici la visite guidée d’une capitale européenne en version coucherie entre amis, finit les tribulations d’un éternel mélancolique dans les bas-fonds d’un Paris imaginaire, place à la lourde descente de son nuage d’une femme d’homme d’affaire, d’une bourgeoise prétentieuse et orgueilleuse. Alors que le FBI saisit les biens, tous les biens du couple, le mari étant un escroc notoire de la place financière américaine, et alors que madame découvre l’infidélité perpétuelle du monsieur, voici le retour sur terre d’une névrosée.
Woody Allen place cette fois-ci ses pions sur un échiquier très basique, celui de la comédie romantique traditionnelle dont il inverse les tendances. Tout commence bien pour la belle et finit dans l’incertitude la plus profonde. Forcée à s’exiler à San Francisco chez sa sœur adoptive, la blonde embourgeoisée de la place financière de New-York finit sa course dans un univers qui n’est pas le sien. Il s’agit là d’une réadaptation sociale, une remise à niveau dans la vie d’une privilégiée malhonnête, sous Xanax et en pleine désillusion. Pour bien définir son propos, le réalisateur fait usage de nombreux Flashbacks, de retour à cette vie rêvée alors que Cate Blanchett se heurte à la vie du bas peuple, sa sœur, ses conquêtes inégales et des gosses, bruyants, curieux. Un verre perpétuellement à la main, le belle ne semble pouvoir se défaire des souvenirs qui lui restent de sa vie passée.
Si celle n’y est pas pour rien, dans ce qui lui arrive, elle ne lâche pourtant pas la bride à son obsession de retrouver un train de vie similaire. Inadaptée, elle parcourt maintenant la vie comme un zombie, une âme en peine à la recherche d’un bonheur perdu. Oui, admettons que dans le registre, Woody Allen sait y faire. Pour autant, Blue Jasmine n’est pas une œuvre fleuve, pas une comédie noire ou les personnages se croisent, s’aiment, se détestent. Non, il s’agit là, à regrets d’un One Girl Show, celui de l’actrice principale, Cate Blanchett, que l’on aura connu plus joviale. Enchaînant les séquences de biture, de crises d’angoisses, reste une femme qui soit bafouille soit s’exprime en langage hautain. La prestation est certes conscéquente, elle efface littéralement le reste de la distribution, mais est-elle l’une des meilleures de l’année précédente? J’en doute tant le registre de l’actrice est monotone.
Une fois encore, Woody Allen démontre qu’il est capable de surfer sur tous les registres, pour autant qu’il y ait des histoires de fesses à raconter. Peut-importe le contexte, cette très belle fable sur la femme d’un homme emprisonné pour fraude, le rapprochement à la crise de 2008 est évident, n’est finalement crucial pour le réalisateur que son obsession pour les femmes, leurs histoires de cul, leurs sentiments et leurs trains de vie. Finissant par une fois encore parler toute seule, assise sur une banc public de Frisco, notre femme perdue n’aura démontrer qu’une chose, le voyeurisme du réalisateur, son attrait pour l’humour féminin tragi-comique. Que ceux qui aiment en profitent. Pour ma part, jamais une seule fois Woody Allen ne sera parvenu à me convaincre de la légitimité de ses œuvres du fait qu’une histoire comme celle-ci aura aisément pu être intégrée à une œuvre plus complexe, plus imposante. Film mineur qui possède toutefois une caractéristique majeure, son actrice principale dont on aime détester son ton snobinard, autant que la musique Jazzy qui nous casse les oreilles. 08/20