Pour sa quatrième réalisation, Ben Affleck confirme être un cinéaste appliqué qui arrive à s'imposer dans un genre mais aussi avec des thématiques fortes. Mordu de thrillers, il s'est employé à étudier chaque variations de ce genre avec le très maîtrisé Gone Baby Gone, adapté d'un roman de Dennis Lehane, il explorait avec brio le thriller social et parlait avec justesse du délitement de la société. The Town aura été un film de casse de facture classique mais efficace, où Affleck y apportait toute sa mélancolie et ses réflexions sur le bien et du mal tandis que Argo venait brillé par son récit tendu et sa mise en scène millimétré qui venait dynamiser le thriller historique. Avec un même genre, il a su imposer plusieurs facettes tout en arrivant à tirer le meilleur de ses références et ici il continue dans la même logique en s'attaquant aux films de gangsters. Sauf qu'ici, le genre est plus codifié encore, des grands films ont vu le jour en masse dans cette catégorie, et ce sera plus dur pour le cinéaste d'imposer sa vision.
Le constat vient d'ailleurs assez vite, malgré des qualités évidentes, Live by Night reste une oeuvre mineur et bien moins abouti de ce à quoi nous avait habitué Ben Affleck. Comme pour son premier film, il réadapte un roman de Dennis Lehane, sauf qu'ici il ne fait pas le choix le plus judicieux. Même si Live by Night est probablement un de ses romans les plus cinégéniques, il reste un de ses récits les moins travaillés. De la trilogie sur les Coughlin, il est le livre le plus classique, loin de la densité et la profondeur de The Given Day qui aurait été une adaptation plus complexe mais plus intéressante. Mais après on voit très vite ce qui a pu attirer Affleck dans ce livre, et on comprend qu'il n'a pas voulu prendre de risque. Il reste dans son exploration du gangster au grand cœur, ayant une fascination non dissimulé pour les hors-la-loi avec des principes. Il est totalement dans cet esprit ici mais il ne parvient pas à faire évoluer son héros, on reste dans la redite par rapport à ce qu'il avait déjà fait avant. Surtout qu'il le soumet aux codes du film de gangster avec une voix-off par franchement utile et des questionnements moraux assez basiques au final, ce qui donne à l'ensemble un côté bien trop classique et pompeux.
Il se contente ici d'appliquer une formule, il le fait certes avec savoir-faire mais sans génie. Le récit est plutôt bien écrit, les personnages sont attachants, les dialogues solides et la narration brille par sa fluidité mais Affleck veut multiplier les thématiques et noie un peu l'efficacité de l'ensemble. La portée politique du film, le racisme, la réflexion du bien et du mal, l'ampleur mélancolique et introspectif du parcours du héros ainsi que tout l'aspect significatif des choix et des conséquences qui forme la tragédie de la vie, tout ça sont des thèmes intéressants mais qui ont parfois du mal à cohabiter. A vouloir trop en dire, le films s'éparpille et ne fait que survolés ses pistes de réflexions. Ce qui fait que l'on se retrouve face à une oeuvre qui manque d'épaisseur en raison de son ambition trop large pour ses épaules. On en vient à se dire que l'intrigue est au final trop courte, elle passe sans jamais marquer et ne laisse qu'un sentiment plaisant mais aussi une impression de gâchis.
Surtout que le tout n'est pas porté par un casting des plus mémorables. Les acteurs sont bons mais aucune performance ne sort vraiment du lot. Elle Fanning, malgré un rôle sous exploité, elle arrive quand même à trouver une justesse déchirante au détour d'un passage finement écrit. Mais le problème vient surtout de Ben Affleck, qui ne correspond pas au rôle qu'il s'est donné. Il est bien trop massif pour paraître convaincant en Joe Coughlin, même si sa prestation est convaincante, il s'inscrit mal dans cet univers et apparaît bien trop encombrant. Par contre, la réalisation se montre sublime grâce à une photographie léchée de Robert Richardson qui privilégie les couleurs chaudes pour un rendu très agréable à l’œil. Le tout se montre très esthétique et maîtrisé à tout les niveaux, la musique et le montage étant aussi impeccable, et offre des plans de toute beautés. C'est soutenu par une mise en scène efficace de Ben Affleck, qui dispose de superbe fulgurances lors de scènes d'actions implacables et sèches qui brille par leurs brutalités et leurs lisibilités. Il filme ses personnages de manière consciencieuse mais tombe dans le même défaut que son scénario, il va bien trop vite. Jamais il ne marque une scène dans le temps et donc jamais il ne marque son spectateur avec une séquence. On à l'impression d'assister à une course et que le film ne prend jamais le temps de se poser, confondant rythme et rapidité. Même les scènes de sexes, pourtant nombreuses sont survolées et un peu ridicule, les personnages restant toujours habillés soulignant un peu se fait qu'il faut aller très vite et que l'on prend pas le temps de bien faire les choses. Pas que les choses soient mal faites, au contraire, mais elles sont trop précipitées. Une seule et unique scène prend vraiment le temps de se poser et de se recentrer sur les personnages, et c'est sans aucun doute la plus réussie du film.
Live by Night est un film de gangster plaisant mais rigide. Ben Affleck prouve vraiment qu'il est un cinéaste avec des choses à dire mais le problème c'est qu'ici il veut bien trop en dire. Son film à tout les défauts d'une première oeuvre, car même si c'est sa quatrième réalisation, c'est la première fois qu'il est vraiment seul au scénario. Cela se sent, et même si il démontre être un scénariste attentif du monde qui l'entoure, il est souvent bien trop pressé dans sa démarche. Ici cela se reflète même à tout les niveaux, c'est une oeuvre bien faite mais précipité, échouant à faire vraiment ressortir quelque chose à l'exception d'une scène qui brille par sa finesse d'écriture et son rythme plus lent. Live by Night, malgré ses qualités évidentes, reste donc un peu décevant mais on est quand même face à un divertissement efficace par son savoir faire. Néanmoins il est clair que The Batman est entre de bonnes mains avec Ben Affleck, tellement les thématiques du cinéaste sont faîtes pour l'homme chauve-souris. Et pour ça, on a hâte de voir ce que cela donnera.