Je m'attendais à un film banal, à l'humour potache, un truc que tu regardes un soir et que tu fous de côté après, un bon moment, pas forcément inoubliable, bah je me suis trompé. Outre le fait qu'il s'agisse d'une vitrine publicitaire pour google, ce film est juste visionnaire, et a été fait pour de bonnes raisons. En lisant les critiques on se rend juste compte de l'incompréhension totale qu'il suscite. Dans la plupart que j'ai lues, il s'avère jugé (en bien et en mal) sur ce qui me paraît être de mauvais critères. Ca fait du mal de le dire, mais la seule revue ayant réellement cerné toute la problématique mise en jeu est TéléCinéObs.
La clairvoyance sociologique de ce film est juste hallucinante, les enjeux sociaux du travail y sont traités avec une lucidité à laquelle je ne m'attendais manifestement pas. On pourrait y voir un côté utopiste, mais c'est un putain de remède à ce qui ronge la société, révélateur du fossé entre deux mondes, celui de la génération ayant vécu avec internet, ayant gardé ses rêves et refusant le cynisme, opposé à celle de ses aînés. On y voit une alternative (forcément représentée par Google) au modèle d'entreprise standardisé, disposant d'un management "anglo-saxon" fleurissant ces dernières années (secteur bancaire, télécom, grosses boîtes, même fonction publique, etc.). De l'anti France Telecom en somme. Il s'agit d'une fresque donnant envie de se révolter contre des pratiques conservatrices totalement contre-productives fleurissant malheureusement dans le milieu professionnel (le chef con bridant la créativité de son subalterne, les relations factices entre collègues, le cynisme de certains pour favoriser leur carrière, etc.).
Au delà de critiquer Google et autre Facebook comme outils commerciaux et vastes machines à fric, il faut bien se rendre compte qu'il s'agit à la base de rêves d'étudiants, de potes d'écoles/fac, partant de rien, mettant leurs compétences complémentaires en commun, dans une "entreprise" périlleuse à la base, et créant ce qui a révolutionné notre mode de vie, en usant d'une philosophie de travail totalement opposée à ce qu'il se faisait il y a quelques années. Google et Facebook (en fait surtout internet) sont en train de progressivement muter la société en développant un concept de management inédit qui fera certainement cas d'école dans les futurs formations de commerce et de management : utiliser le maximum des ressources de ses employés en favorisant leurs conditions de vie (et non en les oppressant et en les bridant), faire du travail le lieu d'épanouissement de l'individu (le pire étant que ça marche, il n'y a qu'à regarder leur capacité à s'adapter et à se développer intelligemment).
La prochaine (r)évolution sociale pour la jeune génération dans les 10 prochaines années portera certainement sur le milieu professionnel (si elle ne saisit pas le problème elle ne pourra s'en prendre qu'à elle même d'ailleurs). Les thèmes de l'importance et de la valeur du diplôme par rapport aux qualités humaines, des conditions de travail, de son utilité, du développement de l'individu grâce et au travers de son emploi y sont habilement et subtilement traitées (google fonctionne vraiment comme ça), faisant de ce long métrage une oeuvre largement sous évaluée et profondément humaniste.
Albert Jacquard est mort, (dans le silence le plus scandaleux qui soit) mais ce film aurait pu constituer un bien bel hommage à ce visionnaire ayant passé sa vie à tenter d'améliorer l'humain dans le contexte de la société.