Un film très puissant, dérangeant, qui arrive sur un sujet, somme toute très banal, à nous tenir en haleine comme dans un thriller machiavélique . Rebecca Zlotowski a le talent incroyable de créer des histoires dans le cadre d’un milieu normal, professionnel ( i.e.,les travailleurs des Halles de Rungis , dans l’ excellent « Belle Epine », avec déjà Léa Seydoux) , ici les travailleurs intermittents du nucléaire, et de transformer ces récits, en tragédie grecque, étouffante, oppressante , et intemporelle . La centrale nucléaire est ici clairement personnage central, une sorte d’Allien, de laboratoire inquiétant, de quintessence de intelligence humaine, à la fois high tech mais dangereuse. Les plans cadrés sur le réacteur central paraissent de la science fiction. Il y a ensuite cette armée de petites mains, de fourmis, de travailleurs de l’ombre , une sorte de chevalerie : faire corps face au danger, jouer collectif, s’entraider. C’est magnifiquement décrit. Jamais ce monde n’a été filmé comme cela. Et puis il y a cette romance qui se noue devant nous, improbable, qui n’aurait pas du avoir lieu entre une future mariée à un pilier du groupe, et un nouvel arrivant un peu ténébreux. Ils s’aiment et se retrouvent en cachette. Cela va créer des tensions. La description de ces petits gens, qui vivent un peu comme des marginaux, est formidable, Zlotowski est extrêmement douée dans la direction d’acteur. Seydoux et Tahar Rahim sont excellents .Il tient là un de ses meilleurs , sobre, juste , tout en finesse, et Seydoux est bouleversante , comme déjà dans « Belle Epine », tragique, blessée , fragile, amoureuse par défaut. Masi la palme d’or revient à Olivier Gourmet qui tient là un de ses plus beaux rôles, de sa pourtant déjà riche carrière. Il est le chef d’équipe, celui qui « impose » la fraternité, la solidarité ouvrière à ses compagnons, il édite les règles de vie en commun. Il explose, il joue juste, il crève l’écran. Merci encore à Zlotowski pour ce film percutant , dérangeant, fort , lumineux oppressant et à la technique cinématographique apurée, j’en retiendrais un seul plan : celui où Tahar se baigne au milieu du Rhône, avec la centrale nucléaire en arrière plan, et qu’il voit sur la berge du fleuve, au loin , le couple légitime s’embrasser. Magnifique et bouleversant