Le film de Rebecca Zlotowski a exactement les mêmes défauts et les mêmes qualités que celui d'un autre jeune dame du cinéma français, sorti en même temps (Une place sur la terre): de l'ambition, un bon sujet, une idée forte au départ, mais.... un manque de perspectives, un scénario qui se barre en couilles. Au fond, c'est peut être ça qui manque le plus au cinéma français: des scénaristes! c'est un métier! Imaginons que ce soit un scénariste US qui se soit emparé du sujet (les intérimaires du nucléaire). Il aurait fait un truc carré autour d'une thèse sociologico -politico -écologique qui nous aurait tenu en haleine pendant deux heures et demi, alors que la petite heure et demi de Grand Central nous emble bien longue.
Ce qui est intéressant, c'est le documentaire. Presqu'aussi bien qu'une soirée d'Arte! Les intérimaires, ce sont les prolos du nucléaire, là où les mecs de l'EDF sont les seigneurs. Ils font les basses besognes, nettoyage, entretien, remplacement d'une pièce manquante en zone rouge, s'ils atteignent la dose maximum de radiations autorisée, on les envoie finir leur contrat en zone protégée, et basta. Le problème, c'est que ce sont des gens peu qualifiés, voire peu fufutes, que leur formation à la sécurité est minimum, alors qu'ils travaillent dans des conditions où la moindre erreur peut être fatale, pour l'ouvrier, et pour son groupe. L'excellentissime Olivier Gourmet joue Gilles, le chef d'équipe paternel qui surveille ses zozos comme du lait sur le feu, les engueule, les bouscule. Une contamination accidentelle -un bac de déchets qui se renverse, et c'est la longue douche avec brossage de tout le corps, tonte éventuelle des cheveux.
Gary se fait embaucher après avoir enchaîné toutes sortes de petits boulots et s'être brouillé avec sa famille. C'est un bon gars, honnête, pas bagarreur. Tahar Rahim est l'acteur le plus remarquablement inexpressif de tout le cinéma français, mais dans le rôle de Gary, qui ne doit pas avoir grand chose dans la boîte crânienne, il est plutôt bien. Dans son équipe il y a Toni (excellent Denis Menochet), et Toni a une compagne, Karole, une petite allumeuse en short et débardeur, et à laquelle Gary va résister..... cinq secondes. Léa Seydoux, naturellement dénudée, y a pas de mal à se faire du bien, a été mieux employée. Elle pleurniche beaucoup, dans cette affaire. Il est vrai que c'est toujours embêtant de gérer deux mecs à la fois. Et alors? Alors rien. A part les opérations dans les centrales et les parties de papattes en l'air dans la jolie campagne du Tricastin, l'été, Zlotowski filme beaucoup ces hommes entre eux -bouffes, bières, déconnes dans un bistrot où on s'amuse à monter un de ces diaboliques taureaux mécaniques, mais connait elle vraiment le milieu ouvrier? On peut en douter. En tous cas, son œil est (peut être involontairement) méprisant. Ce qu'elle rattrape avec un fin ridiculement esthétique (et toc): une pomme rouge qui roule dans une rigole, la croupe de deux chevaux sortis d'on ne sait où....
On peut voir, on peut éviter, on peut attendre la soirée d'Arte sur les travailleurs intérimaires dans le nucléaire....