A peine deux ans se sont écoulés depuis "Intouchables" et voilà de nouveau François Cluzet en haut de l’affiche avec "En solitaire". Il est presque étonnant de voir cet acteur valide, et ça en est même presque choquant. Mais voilà, grâce au réalisateur Christophe Offenstein, il permet au spectateur de vivre le Vendée Globe de l’intérieur. Tout le monde a entendu parler de cette course de prestige, une compétition consistant à boucler le tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance. Nul n’ignore que ce n’est pas seulement une course parmi tant d’autres. Elle est aussi une formidable aventure humaine, et surtout un immense défi envers soi-même en composant avec les éléments. Eh bien "En solitaire" est tout cela. Le plus étonnant est que personne n’avait songé à nous montrer la course de l’intérieur au jour le jour (ou presque), hormis quelques courtes séquences télédiffusées ici et là. La facilité aurait été de construire une réplique du monocoque, de l’installer sur une structure dynamique et de tourner le tout en studio. Mais à un moment ou un autre, il aurait manqué un des éléments qui constitue l’environnement si particulier de cette course d’exception : les creux et les vagues d'un gris opaque qui vous passe toute envie de vous baigner, les caprices de la météo, les embruns, l’écume, les couchers ou levers de soleil…. Profitant du véritable départ de la course lors de son édition 2012/13, le réalisateur a mis un point d’orgue à tourner bon nombre de scènes en pleine mer. Le résultat est bluffant de réalisme : l’océan de pleine mer est plus impressionnant que jamais, et l’impression de vitesse est bien réelle avec la traînée laissée par le navire alors que les dangers sont permanents. Une vraie prouesse technique, complétée par une bande son particulièrement immersive. De cette manière, le spectateur se rend mieux compte de la difficulté quant à la réalisation d’un tel périple d’environ 80 jours. Car "En solitaire" n’a absolument rien à voir avec la voile de plaisance ! Plus encore, les dangers liés à ce sport extrême sont partout : ils peuvent survenir à tout moment, et sont parfois invisibles.
On frise même "en direct" la correctionnelle en frisant le chavirage !
Mais comme je le disais plus haut, "En solitaire" n’est pas seulement un film sur la course à voile. L’aventure humaine s’est concentrée sur un marin bourru au caractère bien trempé, interprété par un François Cluzet plus déterminé que jamais. La gagne demeure l’esprit majeur de ces marins hors du commun, devant tenir compte des indications météorologiques données par les appareillages hi-tech embarqués. la difficulté n'est pas de les relever, mais de savoir les lire ! Le plus étonnant est que François Cluzet fait un sacré marin : son personnage sait décrypter ce que ses appareils lui indiquent, anticipe, fait parler sa science et son sens inné de la navigation, sait quel bruit est normal ou anormal. Contre toute attente donc, il fait un marin expérimenté convaincant, en skipper qui respecte la voile, l’esprit de compétition, mais aussi le règlement qui lui est liée. Alors bien sûr, les contacts avec la terre ferme peuvent paraître trop nombreux. Je rappelle cependant que "En solitaire" est un concentré d’une centaine de minutes d’une odyssée de presque 3 mois. Cela a le mérite d’amener des scènes qui prêtent à sourire, notamment lorsque Yann Kermadec demande à sa belle de mettre sa poitrine précieusement de côté (Virginie Efira, plus jolie, plus craquante et plus touchante que jamais). J’imagine que ces contacts aident les navigateurs à garder le moral durant ce long et périlleux périple. Parce que ce n'est pas facile, de rester seul durant tout ce temps. D'ailleurs on passe par divers états d’âme, du souffle grisant de la victoire au découragement le plus total, en passant par la colère. Oui la colère, parce que tout ne va pas se passer comme prévu. Et dès le premier incident
(apporté par un surprenant Samy Seghir dans un rôle à la fois sage car il ne s’en tient quasiment qu’à une seule émotion, et intenable… hum ! vous comprendrez pourquoi en regardant ce film)
, les mauvaises surprises s’enchaînent les unes derrière les autres. Cela permet de découvrir la solidarité entre les marins, pourtant concurrents. Ils n’oublient pas qu’ils n’en restent pas moins des hommes (même si certains d’entre eux sont des femmes), et qu’ils ne sont pas grand-chose au milieu de cette immensité qui ne fait qu’attendre la moindre erreur pour les engloutir. Et puis que dire du final ? Bien que je m’y attendais, il est magnifique, car il met en valeur un homme qui possède un honneur à la fois sportif et moral, tout simplement parce qu'il respecte jusqu’au bout ses prises de décisions, certes quelques peu imposées. Pour conclure, "En solitaire" ne manque pas de souffle et tiendra le spectateur en haleine jusqu’à la ligne d'arrivée tant désirée, pour l'amener à ce bon vieux port du bonheur, à condition que celui-ci comprenne la vraie leçon de vie et d’humilité qui est donnée ici en utilisant le contexte particulier qu’est le Vendée Globe pour en faire une toile de fond. Un film à voir au moins une fois, en privilégiant si possible la HD afin de profiter au mieux de la bande son, et qui vous presque sentir ce doux parfum d’écume.