Avant toute autre chose, c’est la performance technique de Christophe Offenstein (le réalisateur) et de son équipe qu’il faut souligner. Parce qu’au vu des images, on se dit qu’embarquer toute une équipe de tournage plus deux comédiens dans un bateau prévu pour une personne et tourner dans une mer démontée, c’est faire payer ladite équipe de sa personne (au sens « beurk » du terme) pendant les prises de vue ! Le résultat est à la hauteur des efforts consentis, on est vraiment au milieu de nulle part, ballotés au milieu des éléments démontés, au point qu’il vaut mieux ne pas être sujet au mal de mer pour aller voir « En solitaire » ! François Cluzet est impeccable, mais c’est presque un pléonasme que de le dire, en marin bourru qui va, au fil des jours, développer une vraie tendresse presque paternelle pour ce gamin de 16 ans qui pourtant gâche sa course. Les seconds rôles, Samir Seghir en mer, Virginie Effira et Guillaume Canet à terre, sont également très biens. Avec une mention spéciale pour Virginie Effira qui campe une compagne de marin très touchante, et adorable en plus. Quant au scénario, même si on peut avoir des doutes sur sa crédibilité (un navigateur se retrouvant avec un clandestin serait il vraiment disqualifié ?), il tient la toute, sans mauvais jeu de mot… Christophe Offenstein et son scénariste Jean Cottin sont sans arrêt sur la corde raide : humaniste sans être pathos, spectaculaire sans en faire trop, ils jouent avec le suspens en évitant les rebondissements improbables. J’imagine qu’à leur place, un scénariste hollywoodien auraient fait tomber Kermadec à la mer et il aurait été sauvé in extremis par son jeune compagnon d’infortune, retournant la situation dans une ironie cruelle et pleine de bon sentiments. Sauf qu’ici, même si le film a son lot de scènes intenses
(la scène du sauvetage de la concurrente Mag Embling)
elles sont filmées « à hauteur d’homme », si je puis dire… Tout au long du film, on se dit que le jeune Mano va être découvert et que Kermadec va être dénoncé et disqualifié, à chaque minute du film on se dit « Ca y est, c’est foutu ! » et le suspens, en fait, il est là plutôt que sur la mer démontée ! Les dernières minutes du film sont très belles, très bien filmées, émouvantes avec une musique bizarrement très appropriée « Knocking on heaven’s door ». Quant au devenir de la course de Kermadec, on peut peut-être regretter la pirouette de fin en considérant qu’elle est un peu trop politiquement correcte, sauf qu’après réflexion, elle est inévitable et dans le politiquement correcte, elle aurait pu être bien pire !