Si le cinéma Français a bien une particularité, c'est de permettre au détour d'un film d'entrevoir le fossé gigantesque séparant une poignée d'individus ayant accès à tout, dont le toupet de filmer ceux n'ayant accès à rien (en matière de perspectives sociales) ou presque, n'a d'égal que l'arrogance avec laquelle ils exposent leurs certitudes le plus crassement possible.
Ainsi donc, La Cité Rose n'est rien d'autre que le caprice d'un obscur inconnu dénommé Julien Abraham, apprenti cinéaste (ayant visiblement le bras suffisamment long pour lever un budget assez conséquent) persuadé de pouvoir transposer la vie télévisuelle des favelas de la série "La Cité des hommes" (dont il va quasiment jusqu'à emprunter le titre) dans un quartier de la banlieue nord Parisienne, fantasmé à tel point que même les pires reportages à sensations de type "enquêtes exclusives" semblent soudainement pourvus d'une rigueur sociologique de haute voltige.
Car à l'instar de ses confrères cinéastes Français s'essayant dans le registre Fantastique/horreur, la seule qualité qui semble animer ce tâcheron est d'avoir su produire un semblant d'histoire à grand renfort de tout ce qui a déjà été fait dans le registre, tant sur le plan de l'intrigue que celui des personnages.
Nous voilà donc plongé dans cette cité imaginaire, filmée avec toute la prétention du type qui pense combler au détour d'un plan à la grue (20 ans après la Haine de Kassovitz) le néant de son approche intellectuelle, pompant sans vergogne des éléments narratifs à des films comme Menace II Society (lui on l'appelle trouduc, parce que le mec c'est un trouduc) Fresh (l'intrigue autour des gangs) mais principalement à la Cité de Dieu/des Hommes, jusque dans le rôle titre joué par un clone du personnage d'Acérola (en gros la marque de fabrique du co- scénariste Nicolas Peufaillit, déjà coupable du méga fictif "Un prophète")
Rien ne semble échapper à la frénésie de ce plagiaire patenté, ce dernier s'emparant quasi systématiquement de tous les codes inhérents au genre, que ce soit dans les tresses afro du personnage Narcisse (si tu veux qu'un "babtou" fasse gangster dans un film, faut obligatoirement qu'il porte des tresses afro comme Jared Leto dans "Panic Room", James Franco dans Spring breakers et Edward Norton dans Stone) ou dans le flic Chauve renvoyant immanquablement à l'inspecteur Victor « Vic » Mackey de la Série The Shield, dont l'intervention policière en début de film est d'un ridicule absolument hilarant si seulement elle ne contribuait pas à véhiculer là aussi, les pires clichés en la matière.
Quand au sous texte social, il n'est pas moins empreint de la suffisance de son auteur, qui s'imagine profond en jetant à la face des manants, des analyses de "bar longe" se voulant pétries de compassion pour des individus ne remplissant au final que le même rôle de faire valoir qui leur est assigné depuis des années (à ce titre, il est bien ironique de retrouver des acteurs comme Hammou Graïa, ancien arabe de service dealeur dans L'union Sacrée d'Alexandre Arcady, ici réduit au rôle non crédité du père démissionnaire de la "crète", comme quoi même au cinéma, la hiérarchie sociale est respectée!) dont le vice est d'utiliser littéralement des jeunes imaginant certainement le début d'une carrière prometteuse, bluffés par ces escrocs du septième art (le réalisateur et son équipe) bien plus intéressés par leur propre gain de notoriété que celui de ces gosses.
Quand cette parodie de cinéma fera place à des vrais connaisseurs du terrain, autrement plus talentueux et humbles (à la Rachid Santaki, pour ne citer que lui) que ces imposteurs, peut être pourra t-on commencer à véritablement rêver pour ne plus voir ces cités mourir...