Après des mois d'attente, l'adaptation du best-seller le plus pipeau de ces dernières années est en salles. Au bout de trois scènes, le verdict tombe : les acteurs jouent comme des pieds et le ridicule envahit chaque plan, tant la volonté de faire monter la tension érotique qui saisit la jeune pucelle Ana se transforme en concours de minauderies dignes d'un shooting pour un numéro spécial puberté de "Okapi". Se mordillant les lèvres toutes les cinq secondes, prenant des airs de jeune damoiselle prise de vertige à chaque réplique cinglante de son initiateur, la belle Dakota Johnson tente fébrilement de porter sur ses épaules ce roman de gare sans le moindre enjeu, qu'il soit dramatique ou romantique. Chaque rebondissement fait figure de scénette drôlatique, de la découverte de la chambre rouge du dominant (Ken dans une maison de Barbie SM) à la visite surprise de la mère, en passant par quelques apartés romantiques totalement malvenus. Le niveau de jeu de Jamie Dornan est aussi trouble que celui d'un Kev Adams et se limite, durant deux heures, à dissimuler une fissure intérieure qui explose le temps de cette révélation inouïe : "J'ai souffert de la faim et j'ai 50 nuances de folie". Rarement un film se voulant générationnel aura atteint un tel niveau de bêtise. Il n'y a aucune tension sexuelle, mais un vide scénaristique qui atteint définitivement le néant. Il faut attendre à peu près 1h15 pour que surgisse la première scène "chaude" (une petite fessée). N'y voyez surtout pas une manière de faire monter une quelconque tension sexuelle mais de révéler le vide néantesque sur lequel repose ce faux film rebelle : il s'agit surtout pour la cinéaste de garder en réserve ses quelques séquences "provoc" (entendez : deux ou trois clips d'érotisme soft sur fond de ralentis télévisuels et de gémissements feints). Aussi mesquin que bien-pensant, "50 Nuances de Grey" effleure son sujet sans rien trancher, faisant de son play-boy dominant une espèce de romantique frustré qui cherche à jouer les durs pour maintenir l'illusion de sa puissance sociale. Les garde-fous du néo-féminisme ambiant autant que les plus stricts puritains trouveront sûrement matière à discuter ce remake du pauvre des grands films sexy des années 1980, mais l'ensemble devrait bien vite sombrer dans l'oubli le plus sûr. Avec sa mise en scène complètement fake, ses comédiens en carton et sa volonté de ménager la chèvre et le chou sans jamais se laisser porter par le trouble dont il a fait son seul argument publicitaire, ce nanar maussade et pathétique n'est au fond que le reflet de la tristesse sans nom de son époque. En ce qui concerne l'histoire, c'est simple, il ne se passe rien, on pourrait résumer celle-ci sur l'arrière d'un timbre postal, un couple se rencontre et font du SM. Vraiment je me suis ennuyé, j'ai regardé à plusieurs reprises ma montre, tellement c'était insupportable, j'avais l'impression de regarder un film de type "Twilight" version SM (mais SM propre pour ne pas choquer la sensibilité des plus jeunes spectateurs). On peut en fait résumer le film en un "Je t’aime moi non plus" sans amour et sans passion. Pardon ? Ah ? C’est censé être une histoire d’amour et il y a bien des sentiments entre les personnages me souffle-t-on dans l’oreillette. Et c’est vrai, en fait le film est censé parler d’amour. Mais il n’y a aucune alchimie entre les deux personnages, tout sonne faux. Alors forcément, impossible de ressentir une quelconque passion, une quelconque tension. Ce film c’est juste le néant le plus absolu en termes d’émotions. Les personnages sont superficiels, creux, vides et insupportables. On a d'un côté Ana, jeune cruche naïve, bête comme ses pieds, influençable, faible, soumise et superficielle (elle n'est attirée par Grey qu'à cause de son physique); d'un autre côté on a Grey qui est sadique, égoïste, manipulateur, autoritaire, pas drôle, bref c'est un personnage profondément antipathique. Tout ce qu'il recherche en réalité est de profiter et d'abuser d'une jeune gourdasse pucelle de 22 ans fragile et soumise sans personnalité afin de se l'approprier et de la posséder totalement, comme si il exerçait un droit de propriété absolu et exclusif sur cette jeune femme qu'il rabaisse à l'état d'objet sexuel sans personnalité et sans consistance et qu'il rabaisse et humilie sans vergogne. Les autres personnages sont totalement insipides donc je ne les évoquerai pas. Pour finir ce film est aux antipodes de ce que réclament les femmes depuis de nombreux siècles. Le ton innocent, naïf, qui frôle la débilité d'Ana, renvoie la femme à son simple rôle de ménagère qui se doit d'obéir à la voix puissante et autoritaire de Grey. Car celui-ci, milliardaire et célibataire, l'entretient avec le plus grand soin, en lui offrant toutes sortes de produits technologiques à des prix exorbitants. Je veux bien comprendre que certaines femmes rêvent de ce genre d'homme, mais il faut se souvenir que de nombreuses femmes se sont battues pour avoir les mêmes droits que les hommes, et que ces droits ne sont pas encore totalement égaux. Ce n'est pas avec ce genre de films et de livres (puisque ce film est une adaptation d'un roman) qui dégradent l'image de la femme à un point inimaginable, et qui lui donne un caractère d'objet, que notre civilisation va grandir et va admettre une place égalitaire pour les deux genres. "50 Nuances de Grey" est pour moi l'un des pires films que j'ai vu de toute ma vie, car il combine tous les problèmes de nos sociétés capitalistes. Dans un premier temps le monopole est tenu par les nouvelles technologies. Les femmes sont rabaissées à un statut peu valorisant. De plus on remarque l'absence de personnalités de différentes cultures ou religions, ou plutôt, le seul individu d'origine différente se fait casser la figure par Grey. Les seuls points positifs que j'accorderai à ce film sont les magnifiques décors, une très belle photographie ainsi qu'une bande originale très convenable. Finalement, ce film n'est peut-être pas si raté que ce que je le pense. Lorsque l'on observe le nombre de personnes qui l'ont apprécié à la sortie de la salle de cinéma, on peut s'apercevoir à quel point nos sociétés contemporaines sont malades