Alors que bon nombre de femmes se sont précipitées dans les salles obscures pour découvrir l’adaptation du phénomène littéraire de E. L. James, je n’ai pas réussi à y emmener la mienne. Moi qui espérais passer une bonne petite soirée bien sympathique, ce fut totalement raté. A la réflexion, je vais être honnête, je crois que c’est aussi bien, et je vais vous dire pourquoi. Mais avant, j’aime mieux vous dire que la critique publiée par l’internaute Emeline O. (qui a donné un 2/5) est en grande partie très bien faite et très juste, à la différence que je ne serai pas aussi sévère qu’elle à propos de Dakota Johnson. Cette dernière est loin du personnage qui nous a été livré dans le roman ? C’est vrai, mais elle n’est pas la seule. C’est pareil pour Christian Grey alias Jamie Dornan. Si je peux en juger, c’est parce que j’ai lu le bouquin, ne pouvant résister à la curiosité provoquée par la bande annonce du film. Ben oui, et alors ? La lecture n’est pas réservée qu’aux femmes, y compris dans ce genre-là. Bon j’ai patienté un bon bout de temps avant de découvrir l’adaptation cinématographique, afin de ne pas être trop influencé par la grande qualité de l’œuvre littéraire, très plaisante à lire. Déjà, et voilà qui me parait curieux, mais en dévorant les pages, je voyais dans la peau de Christian Grey… Simon Baker, le comédien jouant le personnage central de la série "Mentalist". Pourquoi ? Parce que dans la série, il a un sourire sous-entendu et ravageur, tout en étant implacable dans ce qu’il entreprend. Pour moi, il correspond tout à fait à la psychologie de Christian Grey. Et en voyant le film, je l’y vois toujours en lieu et place de Jamie Dornan, quoique je m’interroge plus ou moins sur sa capacité à interpréter le sadisme charnel. Jamie Dornan, je ne sais pas, mais on dirait qu’il est là sans être là, spectateur de lui-même, sans aucune nuance, à attendre qu'on lui dise quoi faire, à balancer des à plus bébé presque hors contexte. Quant à Dakota Johnson, rien ne ressort d’elle. Son jeu ne permet pas de faire ressortir d’Anastasia ni le manque d’assurance qui la caractérise, ni le discret charme qui l’habite, ni le côté pétillant si amusant, bref pas grand-chose. Chers lecteurs, chères lectrices, chers abonnés à ma prose, si vous attendiez que je donne mon avis pour vous décider ou pas à découvrir ce film, vous vous dites sans doute que devant ma description de la qualité artistique des deux acteurs principaux, ce n’est pas la peine. Mon avis est très personnel, mais puisque ce sont les deux qui pêchent, je ne m’interroge pas vraiment sur le choix du casting (enfin si un peu quand même), mais sur leurs directeurs artistiques. Car on est loin, très loin de l’ambiance décrite par le bouquin. A aucun moment on ne sent ni l’envoûtement, ni l’osmose qui unit les deux êtres, ni le jeu perpétuel de la séduction, ni la sensualité érotique, ni cet humour vache tout en finesse entre les deux protagonistes. C’est plat, fade, sans saveur. Malgré des décors soignés et fidèles à ce qui a été décrit par la romancière, l’esthétique de ce film est à l’image du jeu des comédiens. Affligeant. En outre, le scénario est resté plutôt fidèle à la trame du bouquin, bien que des raccourcis un peu trop faciles et surtout condamnables ont été malencontreusement pris. En effet, il manque des scènes d’importance pour argumenter l’évolution psychologique des personnages, comme par exemple la scène de la gynécologue, seulement évoquée dans le film. D’autres exemples pourraient être cités, mais en aucun cas je ne voudrai vous ôter l’envie de découvrir le livre. Le fait est que l’enchaînement des scènes manque parfois cruellement de transitions, ce qui peut donner aux spectateurs qui ne connaissent pas le roman un aspect survolé, de la même façon que les joutes de courriels l’ont été. Un comble pour un film qui dure quand même un peu plus de deux heures. Au final, cette romance érotique n’a pas à l’écran l’esthétique du luxe, de la luxure, du monde très spécial qu’est le sadomasochisme. Il en ressort un film certes raté si on se base sur l’œuvre littéraire, mais sans être si mauvais que certains le prétendent, Jamie Dornan parvenant à donner un peu (oui, j’ai bien dit "un peu") de consistance à son personnage sur la fin. Pour ce qui est de la B.O., je suis un peu perplexe car je n’ai pas l’impression que ça corresponde aux descriptions détaillées de l’écrivaine. J’avoue ne pas avoir fait très attention à ce détail, mais je n’ai pas la sensation que ça colle vraiment à l’histoire. En tout cas, ne comptez pas sur la musique pour vous transporter au firmament de cette romance brutale et romantique. Autrement dit, si vous ne connaissez pas "Cinquante nuances de Grey" ni en bouquin, ni en livre, préférez largement l’édition imprimée, d’autant plus qu’elle est très agréable à lire. Et puis au moins, E. L. James propose des personnages qui se questionnent, plus ou moins enclins à bousculer leurs idées reçues et leurs certitudes, mises à mal, tout en dédiabolisant la pratique du SM encore tabou (et à juste titre). Il est vrai que dans le film, on a envie de dire à Anastasia de se barrer de là, mais pas dans le roman tant leur histoire semble être habitée par une force implacable et douloureusement logique.