Le seul intérêt de la première version avec Mc Queen et Dunuway résidait dans un pur délir formel d'images et de son (Ah, les bandes parallèles pour montrer différentes actions à différents endroits! Simples, mais toujours efficaces! Ah, la musique de Michel Legrand! ). En voyant ce film, même si on n'était ni riche ni beau, on avait envie de mettre des lunettes Persol, de se mettre aux échecs, d'ouvrir une bouteille de champagne et de demeurer impassible quels que soit les événements qui arrivent. Le film était vecteur d'une petite morale à la petite semaine, mais qui pouvait avoir de la gueule. Dans ce remake, on a tout simplement envie de dégueuler devant cet étalage vulgaire de mec plein aux as, de ce gaspillage de moyens et de danses soit-disant torrides, en tous cas ridicules, avec Pierce, le roi du noeud pap défait, du prince de la mèche rebelle gélifiée même quand il baise ou quand il est bourré et René, la papesse bien foutue mais disposant d'autant de sensualité que d'une jument d'écurie. Non seulement tous ces moyens sont étalés avec cynisme et mépris, mais les personnages sont les archétypes de l'Amérique qui emmerde les loosers. Le policier, soit-disant l'archétype du mec bien (le fonctionnaire impartial mais humain), qui finit par lâcher: "Oh, moi, vous savez, avant d'être sur cette affaire, je m'occupais de gosses battus par leur père ou de femmes violées". Ah bin oui, le fric c'est super classe et quand à ces connards de pauvre loosers, ils battent leurs enfants c'est bien connu. Le film est tout simplement la glorification de l'idéologie ultra-libérale dans un monde où il ne peut y avoir de rapports humains autrement que basés sur la méfiance et le désir de dominer l'autre. Dans ce film, par un retournement de valeurs, cela devient de la séduction et du désir. Ah, et puis la fin: dans le film de 1968, le choix était moral, un peu cliché, mais radical: choix entre l'amour, la confiance d'un côté et justement le monde néo-libéral du fric et de la méfiance de l'autre. Dans le remake, on empoche le pognon, on se drague de façon la plus ringarde qui soit, et il n'y a pas à faire de choix, on l'emmerde le choix! Ah! Ah! C'est fait pour les cons. Ah! Ah! c'est nous les plus beaux et les plus intelligents. En fait de salopards, ce sont ces deux personnages qui en sont les représentants les plus parfaits, et nous les spectateurs, les imbéciles qui, comme tous les imbéciles, admirent les salopards, comme disait Bernard Shaw.