Le premier roman de Michel Houellebecq (après celui dédié à HP.Lovecraft) est son premier succès, qui fut même adapté au cinéma en 1999.
Pour toute personne ne connaissant pas l'univers de cet auteur, ce roman est celui par lequel il faut commencer. Ni trop sexuellement trash ( "Les Particules élémentaires"), ni trop provocateur ("Plateforme"), ni trop distant ( "La carte et le territoire"), bref, LE bouquin pour entrer dans l'univers Houellebecquien.
Comme souvent chez l'auteur le plus déprimé des années 2000, le personnage principal est un pauvre type, sans vie sociale, malheureux, avec un boulot qu'il déteste et qui s'appelle Michel (comme dans "Les Particules élémentaires").
Notre Michel donc, travaille dans une boîte d'informatique et est chargé du projet d'installation de logiciels agricole en province. Lui et son collègue, Raphaël Tisserand (un autre pauvre type, moche comme un furoncle et puceau à 28 ans) voyagent de bled en bled pour installer leur logiciel. Tandis que Tisserand tente désespérément d'approcher la gent féminine (qui le repousse inlassablement) Michel, lui, se livre à des réflexions néo-déprimées sur le libéralisme qui a étendu la lutte du domaine économique (compétition pour les meilleurs salaires) au domaine sexuel (compétition pour les plus belles femmes), d'où le titre "Extension du domaine de la lutte".
La narration de notre anti-héros fait furieusement penser à celle de Guy Debord? dans certains des films de ce dernier : voix-off debordienne, monocorde et détachée.
Alors, me direz vous, à quoi bon écouter les divagations d'un asocial pendant 180 pages? Tout simplement car, comme pour toute œuvre de Houellebecq, ces divagations ne sont ni plus ni moins, que nos divagations, elles forment une description de la société contemporaine, comme dit Bernard Maris " Personne n'a comme Houellebecq, l'intelligence du monde contemporain", en effet ce n'est pas Guillaume Musso ou Marc Lévy, qui vont vous décrire les méandres de notre société...
Houellebecq est intéressant parce que son point de vue est anthropologique, jamais il ne s'immisce dans un débat de valeurs ou d'idées, il s'en tient à une description quasi-scientifique des sociétés occidentales post-industrielles. Il est à la société de consommation ce que Balzac était à la révolution industrielle: l'auteur qui la décrit le mieux et qui en comprend les tenants et les aboutissants. Libéralisme, compétition, anomie, exclusion sociale, capitalisme, consommation sont autant de mot qui reviennent tout le temps dans notre bouche sans que nous sachions ce qu'ils décrivent réellement, Michel Houellebecq le sait, et nous l'expose.
Alors, si vous n'avez pas peur de la contraction de votre domaine de l'espoir (car oui, le plus gros inconvénient c'est que l'on sort littéralement lessivé d'une telle lecture), si votre bras est vaillant et votre cœur est bon, si votre volonté est à toute épreuve et votre moral d'acier, jetez vous sur ce court roman et dites m'en des nouvelles.