Janos Szasz est un réalisateur hongrois dont la filmographie n'avait jamais franchi nos frontières. C'est sans doute le succès rencontré par "Le Grand Cahier" dans divers festivals qui a permis à ce film d'arriver sur nos écrans. "Le Grand Cahier" est l'adaptation cinématographique du roman homonyme, premier volet de la « trilogie des jumeaux ». L'auteur de cette trilogie est l'écrivain suisse d'origine hongroise Agota Kristof. Le film, comme le roman, est la description très noire de l'évolution de deux jumeaux de 13 ans emmenés par leur mère dans un village en pleine campagne, chez sa propre mère qu'elle n'a pas vue depuis 20 ans, une vieille femme méchante, avare et sale surnommée la sorcière par son entourage. L'action se déroule à la fin de la seconde guerre mondiale, et la mère est persuadée que ses fils auront plus de chance de survivre dans ce village perdu que dans la ville. En réalité, même dans cette campagne, les conditions de vie sont épouvantables, le froid et la faim s'étant abattus sur tout un peuple. Très vite, les deux jumeaux en arrivent à considérer qu'ils ne pourront survivre qu'en abonnant toute parcelle d'humanité, en devenant les plus durs possibles, en s’entraînant méthodiquement à devenir durs : ils se cognent l'un l'autre, sacrifient des animaux, … Le roman d'Agota Kristof comporte des scènes qu'on peut qualifier de scabreuses : rapport sexuel entre une jeune fille, Bec-de-lièvre, et un chien, fellation exercée par une jeune femme sur les jumeaux, scène d'ondinisme pratiquée sur un officier allemand. Aucune de ces scènes n'apparaît dans le film. Quels termes utiliser lorsqu'on veut porter un jugement sur ce film ? Difficile d'affirmer qu'on l'a « aimé » : les personnages sont tous déplaisants, on ne ressent d'empathie pour aucun d'entre eux, comment faire pour « aimer » ? Pour celles et ceux qui sont entrés dans le film, une expression comme « film d'une grande puissance » apparaît plus adaptée. On pourra aussi reconnaître que la photo est très réussie. Il faut dire qu'on la doit à Christian Berger, directeur de la photographie sur de nombreux films de Michael Haneke, dont "Le Ruban Blanc". Il est toutefois également possible de prétendre que l'on n'est pas entré dans ce film et qu'on s'y est ennuyé.