Ambitieuse et difficile mise à l’écran hongroise du premier volume de la trilogie d’Agota Kristof (Le grand cahier - La preuve - Le troisième mensonge), qui raconte l’enfance traumatique de Claus et Lucas, deux jumeaux aussi fusionnels que l’anagramme de leurs prénoms. Enfants de la ville, leurs parents les confient dans l’urgence à leur grand-mère, une méchante paysanne solitaire, sale, rustre, brutale et probablement criminelle, dans la ruralité dévastée d’un village frontalier entre la Hongrie et l’Autriche en 1944 et 45.
Dans la barbarie d’une invasion nazie puis soviétique, les enfants apprennent par eux-mêmes à survivre en devenant insensibles, de corps et d’esprit, contre le froid, la faim, la douleur, la vermine, la crasse, les soldats, les gens, l’injustice et la folie, en s’infligeant des leçons entre eux en plus des drames et circonstances humaines alentours. Complices fascinants dans leur effroyable évolution, maitrisant travail, commerce, chantages, vol, armes, meurtres, exploitation et machiavélisme, ils dépassent bientôt les fantasmes de leur aïeule et d’un commandant SS, seuls à en être lucides et stupéfaits, tout en consignant scrupuleusement les événements dans un grand cahier cartonné par une rhétorique naïve, enfantine et monstrueusement glacée.
Presque aussi pétrifiant d’horreur, de psychologie et de philosophie que devant le bouquin et interprété par de surprenants acteurs. Je suis curieux de voir comment sera possible l’adaptation des deux suites, si jamais un réalisateur ose leur donner le jour.