Après avoir remporté un certain succès avec Les Femmes du 6e étage l’an passé, Philippe Le Guay est de retour avec Alceste à bicyclette. Après une période de dépression, Serge Tanneur a tiré un trait sur le cinéma pour se retirer dans une demeure en mauvais état, à l’Île de Ré. Pourtant, Gauthier Valence – rôle principal de téléfilms abominables comme en produit la France par vingtaines – lui rend une petite visite, lui proposant de jouer dans Le Misanthrope de Molière, sa future première pièce. Dans un premier temps, Serge refuse. Cependant, la conviction de son ami est telle que l’hésitation prend place. Ne parvenant pas à se mettre d’accord sur lequel des deux interprètera Alceste, ils décident alors de répéter en choisissant leur rôle respectif à pile ou face… Alceste à bicyclette, c’est tout d’abord la confrontation entre deux acteurs très importants à l’échelle du cinéma et du théâtre français. Deux acteurs qui se trouvent brillamment placés au cœur d’une mise en abyme trompeuse et parfois jubilante : si le doute s’installe parfois lors du visionnage, il semble évident que ce Luchini retiré de tout soit bel et bien Alceste, le fameux misanthrope. Après quelques coups de théâtre bien orchestrés, Alceste à bicyclette prend la forme d’un Limier du dimanche où les deux protagonistes s’affronteraient pour le simple orgueil d’obtenir un rôle apparemment convoité. Si cet aspect-ci de la trame ne s’avère pas toujours très prenant, la faute à un manichéisme finalement assez présent – bien que modernisé à des fins inédites. On pourrait par la même occasion dénigrer la présence du personnage de Francesca s’il ne portait pas les traits d’une charmante Maya Sansa. La femme apporte sa dose de prévisibilité au long-métrage qui finit par se construire autour d’elle : mauvaise idée, on l’a vu venir longtemps à l’avance. En résulte une romance à double sens évidente, qui déçoit. Néanmoins, il s’avère qu’Alceste à bicyclette regorge tout autant de qualités, à commencer par une photographie nettement réussie où le « microclimat » de l’Île de Ré parvient à enchanter, par ses plages, ses maisons… et sa pluie. L’arrivée du parisien dans un tel endroit a de quoi faire sourire et, d’ailleurs, l’humour est assez important dans le film. Même si la moindre de blague ne prend pas toujours, certains dialogues font mouche – lorsque presque tout le monde rigolait, je pensais tout d’abord que c’était de l’humour de bobo, puis j’ai remarqué que Télérama n’avait pas aimé. Par conséquent, il n’est donc pas indispensable de connaître ses classiques sur le bout des doigts. Cela ne serait qu’un plus pour comprendre les nombreuses références… En conclusion, Alceste à bicyclette est un divertissement de luxe – ou un long-métrage pas mauvais – que l’on peut apprécier pour voir Luchini jouer du Luchini avec un brin de sournoiserie, aux côtés d’un Lambert Wilson non moins drolatique. Certaines répliques façon « double péné » resteront dans les annales (mieux vaut se passer du jeu de mots)…