Le concert filmé est à l’origine un genre cinématographique bâtard .
Débarrassé d’une grande partie de tout ce qui fait l’essence d’un long métrage, un scénario, une interprétation, du suspense, des ellipses… Le concert filmé devient un chapelet géant égrènant les chansons les unes derrière les autres dans un interminable compte à rebours vers le générique de fin.
Partir en guerre contre « Metallica, through the never » est donc vain. C’est le genre lui-même qui pue !
Conscient du problème, Metallica ose ajouter une « fiction » à la performance live.
L’histoire : en marge d’un concert sold-out (bah oui, c’est Metallica) Trip, un roadie est chargé d’une mission : aller en plein centre-ville récupérer un élément important pour le groupe, et ce faisant, va se trouver plongé dans une aventure périlleuse.
Et contre toute attente, ce qui se présentait juste comme un prétexte à fournir des effets 3D, devient de loin ce qui tire le film vers le haut.
L’aventure du roadie vient avec plaisir aérer une performance live, dynamiser un concert filmé qui serait d’un ennui total sans ces parenthèses (formellement un peu à l’image de leur premier clip, « One » (1988) entrecoupé déjà à l’époque d’extraits de « Johnny got his gun » de Dalton Trumbo, récompensé à Cannes en 1971
Malheureusement les intermèdes sont trop rares, apparaissent de façon quasi mécanique… ou bien n’apparaissent pas tout simplement ; nous laissant aux prises bien trop longtemps avec un Metallica ruisselant de sueur/ inexplicablement muet comme une carpe / enchaînant leur répertoire comme des robots/ et surtout filmé 75 fois sous un angle différent, avec un arrière goût de captation DVD de luxe. Pfff c’est lassant , et cela malgré les nombreux effets spéciaux « live », et la 3D.
Dommage, car le périple urbain du roadie,ce périple tant décrié offre à plusieurs reprises (aidé en cela de la prise d’un produit hallucinogène par le perso) des tableaux glauquissimes reprenant avec talent l’univers macabre du groupe.
Mais ces tableaux offrent aussi une perspective de « concert fantasmé », bien clippé, parfois réussi, parfois loupé, il faut être sincère. Des tableaux illustrant enfin, à travers les manifestants, le « teenage angst » cette colère adolescente qui nourrit elle-même le rock depuis le début… Et dont le rock se nourrit depuis 1954.
Mais le souci principal de « Through the never » restera définitivement ce déséquilibre entre une captation 24 caméras IMAX avec multi-angles en veux-tu en voilà (d’un côté), et le périple du roadie dans un environnement urbain mis à feu par des manifestants alter mondialistes/ anarchistes (de l’autre).
L’erreur de Metallica est d’avoir omis que justement on n’est plus dans une captation DVD, mais dans un long métrage, dans une salle obscure. Le spectateur mollement assis au cinéma, le confort de la salle, la chaleur humaine aidant, et bah le spectateur il a un peu tendance à piquer du nez si on pique pas son attention.
Belle idée donc, une idée qui dépasse heureusement le stade d’amorce, une idée qui est malheureusement sous-exploitée. En définitive, j’en n’ai rien à foutre de ne rien comprendre à cette trame narrative, greffée sur la performance live. Je mets au défi quiconque de m’expliquer un clip de Duran Duran… Ou Katy Perry. Ce sont des clips, bordel à queue, un délire visuel. Le problème n’est pas dans la compréhension des scènes mais dans leur mauvaise exploitation, un point c’est tout.
Et puis ce fameux élément , ce sac que Trip doit récupérer, bah, on saura jamais ce qu’il y a dedans. On devine juste, à la moue de Trip, mi surprise, mi dégoûtée, qu’à l’intérieur du sac, c’est pas beau à voir…
…Et si le contenu du sac était le « mojo » de Metallica, l’âme du groupe, ce « some kind of monster » qui alimente autant qu’il pompe Metallica depuis 30 ans, le « monster » évoqué par James Hetfield dans le documentaire du même nom il y a 09 ans déjà ?
Effectivement si c’est bien ça, il vaut mieux que le groupe le conserve .
Bref, même si "through the never" ne va pas changer la face du 7ème art, on en retient au final l'image d'un groupe qui semble depuis 30 ans beaucoup plus proche du brainstorming que du gros bourrin metal californien qu'on nous dépeint quotidiennement.
Les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des intentions, mais il y a du mérite.
Metallica : toujours là où on les attend pas… Une fois de plus, deux ans après « Lulu » album ovniesque enregistré avec Lou Reed, en voilà une preuve supplémentaire…
Une marque de fabrique ? Moi je dis oui.