Un film, pur handicapé émotionnel, aucunement aidé par des personnages que trop rarement attachants car caricaturaux au maximum et une ambiance mortifère aussi poignante que de la mort aux rats dans le verre d’un squelette… Tout commence dans une chambre d’hôpital. Une naissance, moment normalement chaleureux dans une vie qui passe pour un drame tellement que la mise en scène du réalisateur est froide et impersonnelle. « Back Home » n’est qu’une multiplication d’entailles personnelles, idolâtrées et mises sous la lumière du jour les unes après les autres, et c’est là que notre bon ressenti coince. Tout semble très soigné et en même temps atrocement éloigné, les acteurs doivent donner l’impression qu’ils sont de la même famille ou qu’ils se connaissent et s’aiment un minimum, mais on a affaire qu’à une vitre teintée, une armoire sans glace et au bois à ce point repeint qu’il serait impossible d’en déterminer de quel arbre il provient. Et ce pur éloignement entre les personnages représente une vraie gêne dans le fil continuel de l’histoire, car on ne parvient à se cramponner à ces êtres et à leur souffrance que lorsque le montage le permet. C’est-à-dire lorsque le montage libère ses spectateurs, les font souffler un bon coup grâce à un changement équivoque dans le rythme. On retiendra comme exemple marquant l’entrée dynamique dans l’esprit de Conrad Reed (bien interprété par Devin Druid, acteur prometteur), adolescent en mal avec un père trop protecteur, suite au décès brutal d’une mère avec qui il se sentait si proche, si aimé… Il y’a donc bien des séquences comme celles-ci qui nous font oublier l’ennui et le manque de passion dans la façon de raconter du film, et qui nous permettent de nous évader, enfin, dans un monde où l’imaginaire est permis, voire obligatoire. Dommage qu’on se retrouve alors face au problème contraire : la réalisation d’un auteur doué qui manque dramatiquement d’ingéniosité, avec, en plus, un scénario qui déçoit plus qu’autre chose tellement il cumule les préjugés et les mauvaises tentatives pour étonner un spectateur qui ne fait que rester inerte face à un contexte fantastique qui ne fonctionne pas, qui sert juste à notre imagination pour se défouler un peu les pieds et de nous enlever cette boue obscène et grasse de nos souliers auparavant dorés, aujourd’hui ruinés. Une certaine délicatesse survient, parfois, et s’impose à notre vision, tel un petit ouragan qui passerait, loin de nous, contraire à la permanence sans borne d’un paysage élimé, éclaircissant l’aube souveraine de ses rayons clairs. Huppert. Une actrice d’une infinie beauté qui sait donner un autre souffle à une histoire qui en manque, qui subjugue de par ses apparitions et qui, lorsqu’elle quitte l’écran, nous laisse autant orphelins que les trois garçons, peut-être trop vite devenus hommes, qui complétaient une famille disloquée, réfugiée de guerre, abasourdie par les drames quotidiens et pourtant Ô combien obsolètes par rapport à ce que vit le reste du monde, comme nous le rappelle les photographies et leur noir et blanc faisant démarquer l’éternel d’un cliché. Le métier de photographe est mis en scène avec subtilité. « Louder Than Bombs » étonne rarement mais parvient à distiller des moments intimes de grâce, feuilletés dans le quotidien d’une vie. Une oeuvre à voir, rien que pour sa manière de voir le monde.