Le film s'ouvre sur une petite main, celle d'un nourrisson à la maternité, qui étreint les doigts de son père, puis doucement, la caméra se perd dans des couloirs d'hôpital où Jonah finit par rencontrer une ancienne amante dont la mère vient de mourir. Le décor est dressé : "Back Home" est l'histoire d'un deuil dont les 3 personnages principaux, le père, le fils aîné, Jonah, et le plus jeune, Conrad, doivent absolument renaître. La mère, elle, décédée d'un accident de voiture, brillante photographe de guerre, est un fantôme qui hante les trois hommes de sa vie, même plusieurs années après sa mort. Après le fulgurant et non moins magnifique "Oslo, 31 août", Joachim Trier signe un film sensible, sobre, sur un deuil à passer, et un avenir en famille à reconstruire. Il guette les visages, les larmes, les sourires, les échanges de mains, les soupirs, comme cette scène quasi emblématique du film, où le père poursuit son jeune fils de loin, et le regarde mentir au téléphone, s'étrangler d'une douleur invisible mais violemment perceptible. Le réalisateur distille la beauté dans une émotion simple, pure, accompagnée d'une musique lointaine, au piano, faisant penser à quelques séries américaines, jamais pesante, mais toujours là, comme un marqueur d'une page à tourner, de nouveaux mots d'amour à dire. Le réalisateur développe une véritable esthétique du cinéma dans sa manière de filmer, engageant ainsi une réflexion sur la littérature, la narration, la photographie, disons l'art en général. Car Trier propose un film proprement littéraire. Il aime ses personnages, les décrit au plus profond d'eux-mêmes, scrute leurs états intérieurs, sans jamais se risquer à l'indécence ou le voyeurisme. La mise en scène est particulièrement réussie dans le traitement qu'il a de l'adolescence. "Back Home" dont le titre corrigé est pour le coup formidablement pensé, est une œuvre proprement éblouissante de beauté, une sorte d'incursion poétique dans le cœur de cette famille abîmée, mais rayonnante d'amour.