Et si Henri VERNEUIL nous avait entourloupé avec ce classique du polar à la française !
Première chose : les 3 stars du cinéma français des années 60-70. Elles figurent côte à côte sur l’affiche, mais aucune scène commune. Gabin et Ventura ont deux très belles scènes. Delon et Gabin en ont bien plus. Gabin, le patriarche, « le vieux », comme le surnommait affectueusement Delon, fait le lien entre ces deux personnages, dont l’un est poursuivi par l’autre. Voilà la première « arnaque » de ce film de hold-up.
Deuxième chose : la musique composée par le génialissime Ennio MORRICONE. Cette musique est composée des deux thèmes écrits par le Maestro et entre lesquels le réalisateur n’arrivait pas à se décider. Alors, grand seigneur, il a amalgamé les deux et cela a donné le thème principal. Ces deux thèmes sont donc déclinés, isolément ou pas, en une ou deux parties, tout au long du métrage. Lui qui peut d’habitude composer des bandes originales pléthoriques, il joue à l’économie, mais avec quelle efficacité et quel sens de la mélodie !
Troisième chose : l’arrivée des personnages principaux. Delon arrive le premier à l’écran. Son apparition est retardée au maximum, puisqu’il s’extirpe d’un camion cellules, après les autres prisonniers. Une jambe fait son apparition, puis lui, de face. Gabin apparaitra le troisième, dans un ascenseur. Là aussi, nous verrons ses jambes en premier, en un plan fixe qui finira par révéler son visage. Enfin, Lino, lui qui joue le flic, au contraire des deux autres, nous apparaît différemment. Nous verrons ses pieds et ses jambes alors qu’il marche, dans un travelling latéral. Puis, nous le suivrons de dos lorsqu’il arrive dans le bureau du juge d’instruction, où se trouve déjà Delon. C’est le seul qui est révélé de cette façon quelque peu énigmatique, puisque nous ne découvrirons son visage qu’une fois que Delon lui fera face. Est-il révélé ainsi parce qu’il est le flic, l’adversaire des « héros » de l’histoire ? Ou bien est-ce parce qu’il est le véritable héros de cette histoire ? Il est en effet le représentant de l’ordre, qui pourchasse les criminels pour les traduire en justice.
Voilà les éléments qui me poussent à m’interroger sur les véritables intentions du cinéaste et à penser qu’il a voulu commettre lui-même un hold-up avec notre esprit en nous manipulant depuis l’affiche conçue pour attirer les foules et garantir la rentabilité de ce très gros investissement de la Fox en France. En nous manipulant également dans cette histoire finalement assez classique, pour ne pas dire banale, et nous faire croire que les flics ne sont pas les héros alors qu’ils le sont finalement. C’est peut-être ce qui a permis à ce film d’accéder à la postérité et d’occuper une place particulière dans le cœur des cinéphiles.
Car lorsque vous parlez de ce long métrage, vous verrez toujours la nostalgie pointer dans l’œil de votre interlocuteur et il fera l’unanimité, même pour ceux qui n’aiment pas Delon. Car nous, les spectateurs, acceptons, dès lors que nous nous mettons devant un film, d’être emmenés. C’est même ce que nous demandons à l’auteur, aux acteurs et au réalisateur : de nous extirper de notre quotidien et de nos emmener dans une histoire. Eh bien, toutes ces petites malices de Verneuil font que l’on ne peut qu’être absorbé par ce film, vu mille fois ailleurs ! Car s’il brille par son sens du cinéma en mouvement - que ce soit la caméra ou les acteurs dans le champ - par la qualité de son interprétation (tous les acteurs sont irréprochables), c’est surtout parce qu’il nous transporte dans un casse improbable et que nous y croyons pendant deux heures que ce film marque nos mémoires et fait que nous le revoyons toujours avec la même nostalgie.