Le sujet et le traitement sont originaux, dans un registre de métafilm d'horreur aux accents comiques. D'horreur, à proprement parler, il n'y en a pas à l'image. Tout est hors-champs. Mais des sons horribles, oui. Des sons qui frappent l'imagination tout autant que les images. Peter Strickland en fait une démonstration aussi habile que jubilatoire. Sans vraiment verser dans le film de genre, il propose une mise en abyme singulière sur les coulisses du cinéma d'horreur, en montrant les effets produits sur le principal créateur d'effets... Dérive hallucinatoire tout empreinte de terreur, où s'interpénètrent l'expérience professionnelle et l'histoire personnelle du personnage principal, son espace de travail et son espace domestique... Cette dérive, et auparavant l'expression des "agressions" subies par le pauvre Gilderoy, donne matière à un brillant exercice de style sonore et visuel, traduisant un sentiment croissant d'absurde et d'angoisse.
Outre une réflexion sur le langage cinématographique et la façon dont il "impressionne" le psychisme, Berberian Sound Studio est aussi, plus directement, une variation amusée sur un genre particulier, italien : le giallo, mix d'horreur, de thriller et d'érotisme. Les portraits du producteur, tétanisant donneur de leçons, du réalisateur, égocentrique et mégalo, de son fils, exubérant noceur, des bruiteurs (impayables Massimo et Massimo) et des actrices, voix hurlantes et exploitées, participent d'une comédie miroir assez savoureuse. Au milieu de ce petit monde, le subtil Toby Jones campe un parfait Gilderoy, gentil fils à maman, timide et pour le moins tourmenté. Un seul regret majeur à la vision de ce film : Peter Strickland donne l'impression de ne pas avoir su comment conclure...