SOUPCONS :
Ahmad (Ali Mosaffa) arrive d’Iran pour plusieurs jours à Paris afin de régler les formalités de son divorce avec Marie (Bérénice Bejo). A l’aéroport, tous deux se parlent à travers une vitre, préludant un dialogue impossible. Marie héberge alors son futur ex-mari à Sevran dans une maison située le long d’une voie ferrée, situation qui n’est pas sans rappeler celle des Enfants de Belle Ville. Progressivement, on découvre alors l’environnement de Marie et son nouveau conjoint Samir (Tahar Rahim) dont on apprend que l’épouse s’est suicidée dans des circonstances particulières…
Construit comme un thriller, ce drame familial, tisse un réseau d’histoires habilement imbriquées entre les différents personnages du film (le futur ex-mari, la femme, l’amant, l’épouse de l’amant, le fils de l’amant, la fille de la femme, l’ami du mari, la salariée de l’amant), générant une série d’hypothèses autour du suicide de l’épouse de Samir.
Farhadi fait monter progressivement la tension, par des mises en situations (le futur et l’ex se retrouvant seuls dans la cuisine) ou des éléments anecdotiques qui prennent forme d’énigmes (les mails de Marie non reçus par Ahmad, la valise d’Ahmad arrivée ouverte de l’aéroport,…).
Le réalisateur iranien nous livre une nouvelle fois un suspens hitchcockien à la fois dans sa construction (le scénario bâti autour du MacGuffin qu’est le suicide de l’épouse de Samir, l’enfermement de chaque personnage leur interdisant toute possibilité de demi-tour) mais aussi dans sa forme (on retiendra le magnifique travelling du plan final).
Fidèle à ses constructions en huis clos, Farhadi plante l’action dans des intérieurs (la maison de Marie, le café restaurant de l’ami de Ahmad, le pressing de Samir, des intérieurs de voiture), mais très rarement dans des scènes en extérieurs. Aucune facilité « touristique » dans ce film (pas de plans sur la tour Eiffel et les quais de Seine) mais une capacité à saisir par bribes, autour d’un propos principal qui relève de l’intrigue, une certaine réalité sociale française (le travail au noir, les couples mixtes).
Le passé surprendra moins que Une séparation, plébiscité par le public en 2012. En effet, on retrouve ce qui faisait la qualité de son précédent film, l’effet de surprise et l’exotisme en moins. La maîtrise de la mise en scène, la qualité du scénario, le regard « néo-réaliste » de Farhadi sont en effet toujours au rendez-vous.