C'est un film d'une puissance déconcertante, sans superflu, pas de musique, pas de gros plans, pas de mouvements extravagants mais une mécanique implacable bluffante. On entre dans un processus de destruction qui se place au plus près des sentiments humains, des actes, des paroles et de leur force dévastatrice impressionnante qu'Asghar Farhadi filme en maître de plus en plus aguerri depuis maintenant 5 films.
Une situation de famille inextricable, compliquée, où les absents pèsent sur les présents bien plus fort que les présents eux-mêmes, où ceux qui n'ont pas d'attaches s'accrochent sans raison apparente et où les accoucheurs de vérité ne parviennent pas à accoucher de la leur qu'on leur empêche de donner, parce que le passé est là rejeté, lui qui pourtant pesait tant.
Le film est impeccable, de la première scène, discussion sourde à travers une vitre d'aéroport, à la dernière, d'une perfection sans nom mais, que je ne vous révélerais pas, tout s'écrit avec brio. A y regarder, tous les plans, sans musique, ont la même importance, la même force, chaque détail vient révéler une intrigue qu'on pourra trouver peut-être un peu trop rebondissante mais pour quelqu'un qui mesure autant la force et la maîtrise de son scénario, tout est parfait. D'un petit déjeuner à priori banal à une scène d'excuse enfantine, on est pris dans un cercle qui emprisonne les personnages qui se croient libres mais sont en réalité empêtrés dans des sentiments et des rancœurs qui les dépassent alors même qu'ils pensent y échapper et tout tenir en main. Tout est pensé, travaillé avec minutie et brio. Les plans sont tous parfaits, à l'image de ceux entre Lucie (la fille de Marie) et son futur beau-père qu'elle ne veut pas regarder dans les yeux et qui pourtant s’assoit toujours face à elle.
Et je ne vous ai pas encore parlé des acteurs, d'une perfection, d'un naturel rarement égalé, parce qu'ils sont dirigés par quelqu'un qui sait ce qu'il veut mais qui film parfaitement le doute, la peur, l'angoisse. Et surtout ce détachement impossible qui nous maintient en place quand on veut s'échapper... Une pure merveille dont on ne sort pas intact et surtout sans voix avec l'impression que Farhadi est un maître qui filme la poussière, en l'élevant et révèle des acteurs par sa direction impeccable, à l'image de Bérénice Bejo transformée et aussi dévastée que le spectateur à la dernière image, quand la musique réapparaît et lui souffle lentement, qu'une claque vient de lui être assénée !