2h10 au cœur d’une famille recomposée (ou décomposée, çà dépend comment on voit les choses !) dont l’équilibre tient en un château de cartes, voilà comment on pourrait résumer ce film. Parfaitement bien réalisé, avec de très beaux plans (des scènes de dialogues silencieux assez étonnantes) et notamment une dernière image assez bouleversante, « Le passé » confirme le talent indéniable de ce cinéaste iranien qui ira loin, pour peu que les autorités de son pays lui en laisse l’occasion. Son scénario est suffisamment bien écrit pour qu’on ne devine jamais le fameux secret avant qu’il soit dévoilé. Du coup ce qu’on prend pendant toute la première partie du film pour un conflit assez banale entre une adolescente et sa mère sur le point de refaire sa vie bascule dans quelque chose de beaucoup plus tragique, plus lourd, et de nettement plus anxiogène ! Bérénice Bejo est juste parfaite en mère de famille un peu dépassée par les évènements et par ses propres sentiments, et c’est heureux qu’on lui ait enfin offert un rôle de « femme », et non pas un rôle de « fille » ! A ses cotés, la jeune Pauline Burlet campe une adolescente en souffrance avec une justesse désarmante, Tahar Rahim, quant à lui, tient parfaitement un rôle d’homme renfermé, taiseux, tiraillé entre deux femmes, entre le passé et l’avenir. L’acteur iranien Ali Mosaffa complète ce casting absolument impeccable avec une sobriété très à propos, et un français parfait. Comme dans « Une séparation » la scène de fin est presque la plus belle du film (qui ne manque pourtant pas de scènes intenses et bouleversantes), même si elle ne donne pas vraiment de clef pour « fermer » le film. Ca paraitra surement frustrant pour beaucoup de spectateurs, cette dernière scène, je dirais même cette dernière image, parce qu’elle veut tout dire et son contraire. En réalité, c’est une plus belle « fin ouverte » que j’ai vu au cinéma depuis longtemps ! Le propos du film devrait parler absolument à tout le monde : comment se projeter vers l’avenir quand on n’a pas dénoué les nœuds du passé ? De ces nœuds bien pourris, bien infectés, qui ne se dénouent que dans la souffrance, que faut-il faire ? On peut les laisser en l’état et essayer d’avancer, ou bien s’y attaquer, au risque de tout détruire. Tout au long du film, il sera question de ces choix douloureux pour tous les personnages, parler ou se taire… Sans jamais donner de réponses définitives, sans jamais porter le moindre jugement, en ne mettant en scène que les faiblesses humaines et amoureuses, Asghar Farhadi offre un film très beau, à ne pas rater quand on aime le beau cinéma, le cinéma intelligent.