Pour la première fois de l’histoire de la Walt Disney Company, un long-métrage prend le parti de nous plonger dans les coulisses de l’une de ses créations les plus célèbres : Mary Poppins.
Bien avant sa réalisation et sa sortie en 2013, le projet du film remonte à l’année 2002, où la diffusion d’un documentaire sur la vie de la créatrice de la plus célèbre nounou de l’histoire a commencé à faire émerger l’idée d’un biopic dans l’esprit d’une productrice australienne. D’abord financé et soutenu par la BBC Films, le projet ne peut être concrétisé en raison des droits d’auteurs de la musique détenus par la Walt Disney Company, un blocage qui dure pendant près de dix ans.
En juillet 2011, le scénario est présenté à Richard M. Sherman, l’un des frères Sherman compositeurs de la musique du film Mary Poppins. Convaincu, il offre son aide aux producteurs et permet de donner un élan décisif au lancement du projet. En novembre, les directeurs de la société Disney s’entretiennent au sujet du film et proposent une coproduction avec BBC Films. Bien que le cinéaste John Lee Hancock, qui signe le projet définitif, soit au début défavorable à une collaboration avec Disney, craignant que la multinationale n’impose son scénario, la seule condition imposée par les studios réside dans la non-représentation du goût pour le tabac de Walt Disney, car cela aurait entrainé une classification R obligeant les mineurs à être accompagnés pour voir le film.
Pour la première apparition du légendaire Walt Disney dans un film, c’est Tom Hanks qui a été rapidement choisi pour l’interpréter. L’acteur n’a d’ailleurs pas hésité à visiter plusieurs fois le musée des studios et à rencontrer plusieurs anciens employés et membres de la famille de Walt Disney, dont sa fille Diane. Quant à l’interprétation de Pamela L. Travers, bien que Meryl Streep ait été initialement choisie, c’est Emma Thompson qui décroche le rôle, une prestation qu’elle juge comme étant l’une des plus ardues de sa carrière mais qu’elle a brillamment réussie. Irritante et vexante mais surtout sincère et attachante, l’actrice parvient à dresser le portrait d’une femme ambiguë mais extraordinaire. D’ailleurs, son interprétation a fait l’objet d’une nomination au Golden Globes 2014 de la meilleure actrice dans un film dramatique, mais le trophée a été offert entre les mains de Cate Blanchett pour son rôle dans Blue Jasmin.
Le tournage débute en 2012, et se déroule principalement dans la région de Los Angeles, terre natale des studios Disney. D’ailleurs, pour les besoins du film, la direction artistique s’est plongée dans les souvenirs de la société et de ceux du parc Disneyland, avec la nécessité d’utiliser des décors présents en 1961. Ce devoir de fidélité historique est allé jusqu’au port de costumes, conçus spécifiquement pour le film, et d’une moustache soignée de la part de Tom Hanks, afin de ressembler du mieux possible à Walt Disney. Toutefois, certaines exactitudes sont à souligner, principalement en lien avec l’auteure et l’adaptation de son œuvre. En effet, Pamela Travers n’a pas eu autant de pouvoir que le laisse penser le film sur l’élaboration du scénario. Suite à la vente en déclin de ses romans et à un avenir financier incertain, l’écrivaine n’était pas en position de force dans les négociations et Walt Disney a su sécuriser un contrat qui était à son avantage, de sorte que Pamela Travers n’a jamais pu imposer ses conditions. De plus, contrairement à ce que la scène finale le laisse penser, elle n’a pas du tout apprécié le film et n’a plus jamais voulu collaborer avec les studios.
Quoiqu’il en soit, ce biopic de l’une des artistes féminines les plus talentueuses du XXème siècle a le mérité de raconter les coulisses mouvementées de la création de l’un des chefs d’œuvre des studios Disney. Walt Disney aura mis vingt ans pour honorer la promesse faite à ses filles d’offrir une place au cinéma à leur personnage préféré, contraint de faire face au caractère rigide et intransigeant de Pamela Travers. Mais derrière cette personnalité en apparence froide et intolérante, des flash-backs reviennent sur son enfance et nous racontent l’histoire douloureuse d’une jeune Australienne appartenant à une famille plongée dans de nombreuses difficultés. Tout comme le public, Walt Disney apprend à connaître cette écrivaine exigeante et à comprendre les raisons de son comportement, pour aboutir à l’une des meilleures collaborations de l’histoire des studios.
L’ensemble offre de beaux moments d’émotion, entre l’enfance douloureuse de Pamela Travers et le rapprochement sincère qui s’opère avec Walt Disney, ce dernier faisant preuve d’une incroyable bienveillance dans l’objectif honorable de respecter sa parole. Le contexte de création du film Mary Poppins est assez fidèlement restitué mais le scénario, pour répondre au défi de garder le public captivé du début à la fin, prend quelques libertés en travestissant le rapport entre Pamela Travers et Walt Disney, ainsi que l’opinion réel de l’écrivaine sur le projet final.